La crise diplomatique entre la France et l’Algérie s’est aussi jouée sur le terrain des exportations de blé. Depuis un an, Alger achète de moins de moins de céréales françaises et se tourne vers la Russie.
C’était en décembre dernier : l’Algérie achetait près de 700 000 tonnes de blé à plusieurs pays exportateurs. Parmi eux, la Russie, l’Allemagne ou encore l’Argentine. Mais l’un des partenaires historiques du pays, dans ce secteur, ne faisait pas partie de la liste : la France.
Voilà plusieurs mois qu’Alger a décidé d’en finir avec l’hégémonie des fournisseurs français. « Un peu plus d’un an après la révision du cahier des charges pour l’importation de blé, (…) la bascule est désormais faite pour l’Algérie : elle n’achète quasiment plus de blé français et se tourne vers la Russie et l’Argentine », résume Africa Intelligence dans son édition du 6 janvier.
La France était pourtant optimiste
Une tendance confirmée par FranceAgriMer, l’Établissement français des produits de l’agriculture et de la mer. L’institut confirmait mi-décembre, dans son point sur les marches céréaliers mondiaux, que les achats de blé russe par l’Algérie avaient atteint des niveaux record fin 2021. Et ce en raison de l’assouplissement du cahier des charge algérien quant aux dégâts d’insectes, résume le site Terre-Net.
Le cahier des charges algérien a évolué en ce qui concerne le taux de grains endommagés par les insectes. Mais la France, qui respecte les seuils, restait assurée de conserver son quasi monopole, le blé d’origine Mer noire enregistrant des taux trop élevés. Pourtant, en décembre, les origines des blés importés en Algérie étaient l’Allemagne, la Mer baltique et… la Mer noire. La faute à un nouvel assouplissement du cahier des charges imposé par l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) lors des appels d’offres.
On est loin de l’optimisme français affiché fin 2020. FranceAgriMer assurait alors que « l’assouplissement du cahier des charges algérien ne dessert pas le blé français ». A l’époque, les Français assuraient que la baisse des achats algériens lors du premier trimestre de la campagne 2020/21 étaient simplement dus à « l’avance prise par l’Algérie en fin de campagne 2019/20 concernant ses importations dans le contexte Covid ». Autrement dit, Alger avait acheté en grosse quantité au début de la pandémie, par mesure de précautions.
La fin d’une hégémonie au profit de la Russie
Comme pour rassurer ses agriculteurs, Paris assurait alors, au conditionnel cependant, que « l’Algérie devrait donc rester un client majeur pour la France » et que « l’assouplissement du cahier des charges algérien pour les dommages causés par les insectes ne devrait pas desservir les blés français au profit des blés russes compte-tenu des conditions restrictives prévues par l’Algérie ». Force est de constater, seize mois plus tard, que le blé français n’a plus la cote en Algérie.
La fin d’une hégémonie qui se traduit dans les chiffres. Et qui semble profiter à Moscou, donc. « Premier importateur de blé français depuis des années, l’Algérie d’Abdelmadjid Tebboune affiche clairement sa volonté de réduire cette tendance au profit de la Russie. À la crainte française de perdre le principal débouché du blé tendre à l’extérieur, s’ajoute la montée de l’Italie dans les parts de marché en Algérie », écrit le directeur de recherches au Centre de recherches (CERI) de Sciences Po, Luis Martinez.
« Avec des blés russes ayant ouvert la porte de l’Algérie et des blés de l’hémisphère Sud très compétitifs, le blé français est soumis à rude épreuve », déplore La France agricole. La crise diplomatique entre Paris et Alger semble donc avoir fait une victime collatérale : les agriculteurs français. Certes, selon la société Agritel, le blé français reste « compétitif sur la scène internationale », notamment grâce aux achats de la part de la Chine. Mais l’entreprise déplore l’« absence de l’Algérie qui se tourne vers les origines Mer noire dans un contexte géopolitique tendu ».