Ce 11 août, le Tchad fête son indépendance. En 1960, François Tombalbaye devenait le premier président du pays. Soixante-et-un ans plus tard, son bilan divise toujours.
Le 11 août 1960, le Tchad célèbre son indépendance. François Tombalbaye, alors Premier ministre, prononce un discours devant son peuple à N’Djaména , qui s’appelle alors Fort-Lamy. Le chef du gouvernement est alors accompagnait d’un représentant français : André Malraux, l’un des ministres d’Etat du général de Gaulle. Tombalbaye restera pendant plus de quatorze ans au pouvoir. Il est loin, le temps où le Tchad a connu pareille stabilité politique : depuis l’assassinat de François Tombalbaye, le pays a vu les coups d’Etat se succéder. Malgré tout, les deux mandats du « Père du Tchad » ont été semés d’embuches. Et l’après-Indépendance n’a pas été un long fleuve tranquille pour le premier président tchadien.
En 1960, tout s’annonce pourtant bien : comme la Côte d’Ivoire et plusieurs autres colonies françaises, le Tchad obtient son indépendance sans connaître une quelconque lutte armée. François Tombalbaye avait accédé à la vice-présidence du Grand conseil de l’Afrique-Equatoriale française, dans le cadre de la loi Defferre, en 1957. En 1958, il avait réussi à obtenir la présidence d’un Gouvernement d’union. Devenu président du Tchad, François Tombalbaye n’a finalement mené que des combats politiques. Que ce soit au sein de son propre parti, le Parti progressiste tchadien (PPT), vis-à-vis de la diplomatie africaine, dans les rapports avec les puissances mondiales ou encore avec sa propre armée, François Tombalbaye a toujours nagé à contrecourant.
François Tombalbaye, seul contre tous
La présidence de François Tombalbaye débute d’ailleurs par une étonnante décision : lors de l’annonce de l’indépendance du Tchad, Tombalbaye se trouve aux côtés de Gabriel Francisco Lisette. Les deux hommes sont vus comme les hommes forts du pays, mais également du PPT. Sur le perron de l’hôtel de ville de Fort-Lamy, les deux hommes d’Etat ont l’air complices. Cependant, la guerre entre les deux a déjà éclaté bien avant l’indépendance. François Tombalbaye sait qu’il ne veut pas gouverner avec Lisette, jugé trop proche des dirigeants français. En 1962, soit trois ans après avoir évincé Lisette de la présidence du Conseil des ministres, Tombalbaye limoge l’ex-député antillais, en voyage à l’étranger, de toutes ses fonctions et l’oblige à l’exil. François Tombalbaye vise alors une réélection et n’apprécie pas les velléités politiques de Lisette.
Pour en arriver à ses fin et à se séparer de Lisette, pourtant populaire au sein du PPT, François Tombalbaye s’allie avec les Touaregs du Nord du Tchad, réunis au sein du Parti National Africain. Lisette hors d’état de nuire, Tombalbaye s’attaquera ensuite à une autre mission : écarter les hommes placés par André Malraux et le général Gaulle. En 1963, Ahmed Koulamallah, Djibrine Kerallah et d’autres leaders politiques tchadiens adeptes de la « Françafrique » et du gaullisme finissent derrière les barreaux. Une stratégie qui poussa Tombalbaye à l’isolement. Car les hommes qui avaient aidé François Tombalbaye à monopoliser le pouvoir les années précédentes et à écarter Lisette tenaient également les rênes de l’armée.
Une indépendance inachevée
Un isolement qui poussa Tombalbaye à s’octroyer de nombreuses fonctions : entre 1963 et 1967, le président a dirigé lui-même sept ministères, dont les trois ministères régaliens — Justice, Intérieur et Affaires étrangères —. Une situation intenable, surtout lorsque l’on connaît la réputation de François Tombalbaye, connu pour sa susceptibilité et son autoritarisme. En 1968, les erreurs de Tombalbaye ont isolé le Tchad du reste du continent. Le pays ne compte alors que peu d’alliés. Du Nigérien Hamani Diori à l’Ivoirien Félix Houphouët-Boigny, nombreux sont les présidents qui préféraient Lisette à Tombalbaye. Le socialiste panafricaniste s’est cependant rapproché, lui, de la Libye de Kadhafi et du Zaïre de Mobutu. Très vite, le « Guide de la révolution libyenne » tenta un coup d’Etat, déjoué en 1971 par les forces de sécurité tchadiennes.
Isolé, le président tchadien pris alors une série de décisions radicales : en 1972, il déclara la rupture de ses relations avec la France et Israël et accepta l’occupation soudano-libyenne de la bande d’Aouzou — au grand dam des Tchadiens. En contrepartie, les deux voisins du Tchad cessèrent d’appuyer les opposants de François Tombalbaye. Mais d’autres pays, comme les Etats-Unis, décidèrent de tourner le dos au président tchadien, précipitant ainsi sa chute. En 1975, François Tombalbaye fit arrêter plusieurs officiers militaires. Les forces armées du Tchad se retournèrent alors contre Tombalbaye et nommèrent leur chef emprisonné, Félix Malloum, président. Les partisans de celui-ci n’eurent pas à fournir beaucoup d’efforts pour saper la légitimité de François Tombalbaye et le renverser.
Le Tchad, pays des coups d’Etat
Ainsi donc, le Tchad indépendant avait connu son premier coup d’Etat. Le 13 avril 1975, François Tombalbaye fut assassiné. Plusieurs sources concordent quant au soutien français dans cette opération d’assassinat du président du Tchad. Toutefois, S’il sera resté une décennie et demie au pouvoir, François Tombalbaye n’aura pas marqué l’Histoire du pays par son bilan : démuni des ressources pétrolières après son marché avec Kadhafi, et empêché d’instaurer les projets dans les secteurs de la santé, l’éducation, l’infrastructure et l’industrie, François Tombalbaye était peu populaire auprès des populations tchadiennes. Si bien que son assassinat n’a donné lieu à aucune enquête sérieuse. Mais le meurtre du premier président tchadien a surtout sonné le début d’une longue série de coups d’Etat. Tombalbaye restera cependant connu pour avoir été le « Père de la Nation ». Et le seul civil à diriger le pays depuis le départ de la France.