Laurent Gbagbo a indiqué qu’il allait créer un nouveau parti politique, laissant le FPI à Pascal Affi N’Guessan. Une nouvelle qui montre que l’ex-président a encore des ambitions politiques.
C’est une double annonce qui a fait du bruit : en indiquant vouloir créer un nouveau parti politique, Laurent Gbagbo a tout d’abord montré qu’il était irréconciliable avec Pascal Affi N’Guessan, candidat du Front populaire ivoirien (FPI) à la présidentielle d’octobre 2020 qui avait finalement boycotté le scrutin. Mais surtout, à demi-mots, l’ancien président de la République, dont on ne savait pas s’il se relancerait un jour dans l’arène politique, a répondu à tous ceux qui doutaient d’un retour de Laurent Gbagbo sur le devant de la scène.
Tout est parti d’un étonnant bras de fer entre Laurent Gbagbo et Pascal Affi N’Guessan. Le premier a décidé de convoquer les cadres du parti, qu’il a fondé en 1982 avec son épouse d’alors. Le second a lui aussi demandé aux instances du FPI « légal » de se réunir, samedi prochain. En jeu, le leadership du parti de gauche. Une façon également de montrer le désaccord entre les deux hommes, qui pas même la rencontre entre Laurent Gbagbo et Henri Konan-Bédié n’aura réussi à effacer.
« Le FPI, c’est nous ! »
Car lors de la campagne présidentielle de 2020, qui s’est rapidement transformée en campagne de boycott de l’élection pour le PDCI-RDA et pour le FPI, le « Sphinx de Daoukro » et le président du FPI ont semblé très proches. Enclin à une alliance avec Bédié depuis sa réélection à la présidence du FPI en juillet 2018, Affi N’Guessan a passé de nombreuses journées dans la résidence de « HKB », avant de se faire arrêter par le pouvoir. Proche de Laurent Gbagbo, Aboudramane Sangaré avait lancé une fronde après la crise post-électorale de 2011, qui avait fini par diviser le parti en deux camps.
Alors, forcément, le retour en Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo devait permettre de régler la situation du FPI : le fondateur du parti allait soit réconcilier ces deux camps, soit s’éloigner du FPI. Mais quand l’ancien président de la République a décidé de convoquer les cadres du parti, la mésentente s’est transformée en bataille rangée : les membres élus des instances dirigeantes du FPI ont sorti un communiqué indiquant qu’elles voulaient « lutter contre le culte de la personnalité et l’autocratie, le chemin de la dictature ». Une sortie qui visait effectivement Laurent Gbagbo qui « n’est pas le président en exercice du FPI », précisait le document.
Soucieux d’éviter d’attiser les tensions, Laurent Gbagbo a donc pris une décision radicale : il abandonne le FPI au profit d’Affi N’Guessan. Le nom, en tout cas. « Aujourd’hui, je suis revenu de prison, il nous faut avancer. Je propose que nous laissions Affi avec l’enveloppe qu’il détient. Nous allons baptiser le FPI autrement. Nous allons continuer à lutter. Le FPI, c’est nous. Nous allons changer de nom, c’est tout », a affirmé Laurent Gbagbo devant les cadres du parti.
Ce n’est donc pas la fin du FPI, mais lorsqu’on sait à quel point Laurent Gbagbo est populaire au sein du parti qu’il a fondé, on peut s’interroger sur le poids que pèsera le Front populaire ivoirien d’Affi N’Guessan dans les années à venir. En octobre dernier, Simone Gbagbo, l’ex-épouse de l’ancien président, avait d’ailleurs déjà assuré « ne pas reconnaître Affi et ses camarades comme membres du FPI ». Les deux courants se séparent donc, pas forcément bons amis.
Affi N’Guessan a « pris en otage » le FPI
Car les cadres pro-Gbagbo du FPI ont dénoncé dans un communiqué « l’obstination de Monsieur Affi N’Guessan de prendre en otage le Front Populaire Ivoirien, foulant ainsi au pied les années de sacrifice des militantes et militants du parti ». Laurent Gbagbo sait qu’il pourra compter sur plusieurs compagnons de route, Assoa Adou et Georges Armand Ouegnin. Il a déjà une base militante active : les Ivoiriens ayant voté pour Ensemble pour la Démocratie et la Souveraineté (EDS), une coalition regroupant les candidats anti-Affi N’Guessan lors des législatives.
Affi N’Guessan, lui, semble isolé. Il a, à plusieurs reprises, essayé de s’entretenir avec Laurent Gbagbo, depuis que ce dernier est rentré en Côte d’Ivoire. Sans succès. Il va désormais devoir impulser une nouvelle dynamique au sein de son parti, dont une grande partie n’avait qu’un mort d’ordre : Gbagbo ou rien.
En prenant son indépendance, notamment vis-à-vis de son ex-épouse Simone, Laurent Gbagbo va pouvoir être le seul maître à bord de son parti politique. Le fondateur du FPI n’en a pas dit plus sur ce que sera sa nouvelle formation, ni sur ses ambitions politiques personnelles. Mais d’ores et déjà, les yeux des observateurs sont rivés sur 2025 : Laurent Gbagbo envisage-t-il d’être candidat ? Quoi qu’il arrive, l’ancien chef de l’Etat pèsera sur la politique ces quatre prochaines années.