Vladimir Poutine doit se rendre en Afrique du Sud en août prochain pour le sommet des BRICS. La CPI pourrait obliger Pretoria à lui remettre le président russe.
C’était en 2015. Alors qu’il était accusé par la Cour pénale internationale (CPI) de génocide au Darfour, le président soudanais Omar el-Bechir prenait un malin plaisir à jouer au chat et à la souris avec le tribunal international. Le chef de l’État faisait en effet régulièrement des apparitions publiques dans des pays non signataires du Statut de Rome. À une exception près : Omar el-Bechir s’était rendu en Afrique du Sud pour un sommet de l’Union africaine. Mais Pretoria avait refusé d’arrêter l’ennemi public numéro 1.
À l’été 2016, la CPI avait tancé l’Afrique du Sud : Pretoria, en tant que pays signataire du Statut de Rome, avait pour obligation de remettre el-Bechir à la CPI. Le président soudanais avait, certes, écourté son séjour pour prendre la fuite. Mais il avait été alerté qu’un tribunal allait potentiellement obliger les autorités sud-africaines à l’arrêter. Omar el-Bechir avait alors été aidé à quitter l’Afrique du Sud, depuis une base militaire située à proximité de Pretoria. Un acte de complicité, selon la CPI. Selon l’Afrique du Sud, les lois locales garantissaient à Omar el-Bechir une immunité totale.
L’Afrique du Sud signataire du Statut de Rome
À l’époque, le président Jacob Zuma avait annoncé vouloir se retirer du Statut de Rome, et donc de la CPI. En 2017, le gouvernement sud-africain avait finalement annoncé sa décision de révoquer la notice adressée à l’ONU concernant son intention de se retirer du Statut de Rome. « Cette annulation officielle de la notice de retrait de la CPI représente une nouvelle chance pour le gouvernement sud-africain de repenser sa décision de contrecarrer la poursuite de la justice », avait déclaré, alors, Amnesty International.
Cinq ans plus tard, on saura si cela a changé quelque chose. Car, alors que le président russe Vladimir Poutine est ciblé par un mandat d’arrêt international délivré par le CPI — une première pour le président d’un pays membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies —, l’Afrique du Sud doit accueillir le chef de l’État cette année. Le sommet des BRICS doit en effet se tenir à Pretoria à la fin du mois d’août prochain. Et la Russie fait partie de ce groupement.
Mais on imagine mal aujourd’hui les autorités sud-africaines arrêter et remettre Poutine à la CPI. On imagine encore plus difficilement le président russe se rendre en Afrique du Sud sans avoir la garantie de pouvoir repartir libre. Jusqu’ici, Pretoria a réussi à conserver une certaine neutralité en ne cédant pas aux pressions occidentales qui lui demandaient de condamner l’invasion russe en Ukraine. Une autre opération de lobbying débute donc pour tenter de convaincre le pays africain de ne pas laisser Poutine se promener en toute impunité.
L’ANC préoccupée
En attendant le mois d’août, l’Afrique du Sud a décidé d’anticiper. La ministre des Affaires étrangères Naledi Pandor refuse de dire ce qu’il adviendra de Poutine au moment de fouler le sol sud-africain. Elle préfère botte en touche et, même s’il s’agit selon elle d’« un sujet de préoccupation », elle compte sur la justice de son pays pour savoir quoi faire. En interne, cependant, la pression est forte : face à l’ANC, l’Alliance démocratique appelle le président Cyril Ramaphosa à ne pas inviter Vladimir Poutine.
Reste que, pour les autres partis, il n’est pas question de toucher à Poutine. Car entre Moscou et Pretoria, c’est une longue histoire, et pas question de revenir sur le soutien russe qui date de l’apartheid. Le Kremlin, à l’époque, avait soutenu le Congrès national africain (ANC). Ce dernier n’envisage pas de remettre Poutine à la CPI, mais reste discret sur le sujet. En cas de risque de scandale diplomatique avec La Haye, nul doute que Ramaphosa fera en sorte de recommander à Vladimir Poutine de ne pas assister au sommet des BRICS.