Onze semaines après sa prise des pleins pouvoirs, le président tunisien, Kaïs Saïed, a désigné une nouvelle cheffe du gouvernement Najla Bouden. Après quelques jours, la Tunisie tient enfin son gouvernement.
Des professeurs, des juristes et plus d’un tiers de femmes ministres… Le nouveau gouvernement, qui a prêté serment à Carthage ce lundi 11 octobre, dirigera la suite de la transition politique en Tunisie. Si la majorité des ministres ont le même profil que le président Kaïs Saïed — des professeurs universitaires —, le nouveau gouvernement est plus politique qu’il n’y parait.
Lors de la nomination de Najla Bouden en tant que cheffe de gouvernement, la volonté de Kaïs Saïed de continuer à tirer les ficelles était bien claire. Sans réelle existence politique, Najla Bouden était une quasi-inconnue du grand public. Il fut même, un temps, envisagé que Kaïs Saïed ne désigne pas de chef du gouvernement mais un chargé de la présidence du gouvernement, pour éviter ainsi le passage devant l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) dont les travaux ont été gelés fin juillet.
Finalement, c’est donc Najla Bouden qui a été chargée de former un gouvernement. Mais Kaïs Saïed tient à son régime présidentiel et c’est bien lui qui a, indirectement ou non, décidé l’octroi des ministères. Le président tunisien a réussi à écarter les partis politiques, qui n’auront pas leur part à jouer dans la transition politique.
Pour ce faire, le chef de l’Etat peut compter sur un soutien populaire toujours important. Les manifestations de contestataires n’ont, depuis le début des mesures d’urgence, mobilisé que quelques milliers de personnes. A contrario, les partisans de Kaïs Saïed ont été nombreux à descendre dans les rues pour soutenir les décisions du président. Du côté de la Kasba, le siège des ministères régaliens, la tendance est également à l’allégeance au président.
Nouveau gouvernement et anciens ministres
Si Najla Bouden assure avoir « choisi » les nouveaux ministres, les noms de ceux-ci ont dû être validés par Kaïs Saïed. Bouden a d’ailleurs gardé les ministres nommés d’urgence par le chef de l’Etat, dans le nouvel exécutif. Ainsi, les ministres des Affaires étrangères et des Finances, Othman Jerandi et Sihem Boughdiri, ont gardé leurs portefeuilles respectifs, sans surprise.
Au ministère de l’Economie, Samir Saïd revient d’un long exil politique du côté d’Oman. L’ancien PDG de Tunisie Télécom et de la Société Tunisienne de Banque (STB) est un néolibéral assumé, du haut de ses trente années d’expérience en tant que banquier d’investissement. Kaïs Saïed espère attirer, avec Samir Saïd, de nouveaux investisseurs, notamment de la part de la diaspora tunisienne.
Celui qui était pressenti pour le poste de chef du gouvernement, l’avocat Taoufik Charfeddine, a finalement repris son poste de ministre de l’Intérieur, qu’il avait occupé trois mois en 2020, avec l’ancien gouvernement. La nouvelle ministre de la Justice, Leila Jaffel, était également ministre des Affaires foncières dans le gouvernement de Mechichi.
Vers un dialogue national
La priorité de ce nouveau gouvernement est, selon les mots de l’exécutif, la « lutte contre la corruption » si chère à Kaïs Saïed. Un dossier prioritaire pour les soutiens au président. Le président tunisien avait promis de s’attaquer à 460 hommes d’affaires ayant spolié le pays. La proposition était qu’une « réconciliation pénale » s’opère, et que lesdits hommes d’affaires financent des projets de l’Etat en contrepartie d’un pardon dont les contours sont aussi inconnus que la liste des hommes d’affaires concernés.
Saïed a promis, ce lundi, de « sauver l’Etat de ceux qui le menacent, à domicile comme à l’étranger ». « Nous arrêterons ceux qui ont profité de leur position pour piller l’argent du peuple », surenchérit le président tunisien. Kaïs Saïed promet, aussi, qu’un dialogue national démarrera dans les prochains jours. Si on en croit certaines sources informées, le dialogue vise de mettre en place des accords sur les prochaines lois à promulguer.
Kaïs Saïed cherche, en effet, à installer une nouvelle Constitution et à promulguer de nouvelles lois électorales. A l’international, des voix se lèvent, bien que timidement, quant à la nécessité de dater la transition en Tunisie. Une priorité pour les partis d’opposition également.