Faure Gnassingbé est en voyage officiel à Paris. Il déjeunera ce vendredi soir avec Emmanuel Macron. Le président togolais serait-il redevenu fréquentable ?
En novembre 2013, après un an et demi d’un froid glacial entre les deux pays, le Togo et la France renouaient timidement. Alors que le sommet franco-africain sur la sécurité devait se dérouler à Paris un mois plus tard, Faure Gnassingbé avait rencontré le président François Hollande.
Une rencontre qui s’était bien passée, à en croire les confidences du chef de l’Etat togolais. Il avait été question de terrorisme, de géopolitique ou encore des élections togolaises lors d’un entretien de près de trois-quarts d’heure, là où Sarkozy ne lui avait consacré qu’une trentaine de minutes.
Avant cette rencontre franco-togolaise, Faure Gnassingbé ne s’était plus rendu en visite officielle en France depuis 2008. Et depuis 2013, plus rien. Pour un allié de la France, les visites togolaises à Paris sont tout de même bien rares : trois seulement en dix ans. On est loin de l’amour fou.
Paris et Lomé ont d’ailleurs souvent soufflé le chaud et le froid. Dernier épisode en date : en février 2020, alors qu’il était réélu président de la République du Togo, Faure Gnassingbé avait dû attendre un mois avant de recevoir les « vœux de succès » de son homologue français, obligé de féliciter « FEG » avec ses partenaires européens. Et certainement à contre-cœur.
Emmanuel Macron critique vis-à-vis de la Constitution togolaise
En effet, en 2018, Emmanuel Macron avait affirmé à un journaliste son souhait que la Constitution togolaise « inscrive la limitation des mandats dans le temps ». A ce même journaliste, qui lui demandait s’il allait recevoir Gnassingbé, le président français avait répondu par une vague pirouette: « Est-ce que je l’ai reçu déjà en voyage bilatéral ou est-ce que je m’y suis rendu ? »
Une joute verbale qui montre qu’entre la France et le Togo, les relations restent quelque peu compliquées… Et une façon pour Macron de montrer son désamour pour son homologue togolais. Si bien que ni Emmanuel Macron ni Faure Gnassingbé ne semblaient impatients de se voir lors d’une visite officielle. Cette dernière a finalement été programmée, au début de l’année, pour le mois d’avril. Les deux présidents doivent déjeuner ensemble ce vendredi 9 avril.
Depuis son arrivée à l’Elysée, Emmanuel Macron a soigneusement évité de fréquenter Faure Gnassingbé, Paris préférant discuter avec le ministre togolais des Affaires étrangères, Robert Dussey, bien intégré dans les milieux politiques et intellectuels français. Mais si « FEG » est rangé dans la catégorie des autocrates par Paris, la situation dans la sous-région ouest-africaine a dû amener la France à revoir sa position.
Faure Gnassingbé n’est plus infréquentable
Entre un Bénin qui vire à la dictature, une Côte d’Ivoire affaiblie après le simulacre d’élection présidentielle et le Burkina Faso en proie à des violences terroristes, Lomé fait figure de havre de paix. Cet îlot de stabilité est une porte d’entrée pour la France, qui y a une présence militaire très faible et qui verrait d’un bon œil un renfort togolais dans le G5 Sahel. Enfin, Lomé est particulièrement investie dans le dossier malien, important pour Emmanuel Macron.
Et puis, il y a l’aspect business. Lomé avait passé commande d’hélicoptères de combat. Airbus se verrait bien aussi décrocher des contrats avec le Togo. En attendant, la délégation togolaise rencontrera les sénateurs pour signer une convention de financement pour le Programme d’extension de réseau électrique dans les centres urbains du Togo, puis le Medef, le patronat français. Lors du déjeuner entre Emmanuel Macron et Faure Gnassingbé, d’autres sujets devraient être abordés, comme l’affaire Bolloré. L’homme d’affaires français est accusé de corruption au Togo. Entre lui et le président français, les relations ne sont pas au beau fixe.
Macron et « FEG » ont donc pas mal de choses à se dire. Un déjeuner qui ressemble à une opération séduction, ou reconquête. Lâchée par plusieurs pays africains, qui se sont tournés vers la Chine ou la Russie, la France a, en effet, besoin du Togo autant que Lomé a besoin de Paris. Une raison suffisante pour sortir Faure Gnassingbé du placard des infréquentables et l’inviter en grande pompe à l’Elysée. Les temps changent rapidement à Paris…