Une délégation du M5-RFP a rendu visite, lundi 31 mai, à l’imam Mahmoud Dicko. Le leader politico-religieux approuverait l’alliance entre Assimi Goïta et le M5, et serait représenté dans le gouvernement en cours de formation.
L’imam malien Mahmoud Dicko, très influent à Tombouctou, a rencontré les envoyés du mouvement M5-RFP. Le mouvement, à l’origine de la chute d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), a abouti à un accord avec Assimi Goïta. Le nouveau président malien, et chef de la junte qui avait renversé IBK et démis Bah N’Daw, avait rencontré les émissaires de Dicko samedi, avant de partir à Accra pour le sommet de la CEDEAO.
Depuis le coup d’Etat contre IBK, Mahmoud Dicko a été plutôt discret. Des rumeurs couraient même à propos d’une rupture avec le M5-RFP. Cependant, depuis l’avènement du coup d’Etat d’Assimi Goïta du 24 mai, les trois parties semblent se rapprocher. L’imam Dicko a d’ailleurs appelé à un grand rassemblement pour montrer l’unité du peuple malien le 4 juin. Le Mali serait-il en voie vers une unité nationale qui rassemblerait religieux, militaire et politique ?
The M5 sent a delegation to ask forgiveness from Imam Mahmoud Dicko, ahead of the likely entry of the M5 into Mali's political game following its coup. Lots of people in Paris will be unhappy with this: https://t.co/n90V41Mq9l
— Andrew Lebovich (@tweetsintheME) May 31, 2021
Le Bon, la Brute et l’Opposant
L’imam Mahmoud Dicko avait présidé le Haut Conseil islamique malien (HCIM) par le passé. Il a été l’un des facteurs apaisants lors de l’offensive d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) dans le Nord malien. Depuis l’application de l’Accord d’Alger, et la paix entre AQMI et le Mali, il s’est retiré de la scène publique. Ses sympathisants animent un mouvement, le CMAS, en son nom.
Lors de la révolte populaire précédant le reversement d’IBK, le CMAS et le M5-RFP avaient manifesté ensemble. Toutefois, le traitement infligé à IBK a provoqué un désaccord entre Dicko et le M5. Depuis, le M5-RFP a été dans l’opposition, et la junte a commencé à recoller les morceaux.
Le HCIM a présidé les pourparlers pour le retour de la paix dans la région de Bamako, entre les militaires et l’aile politique d’AQMI, Katiba Macina. L’accord de Niono est alors né, et a rapproché Dicko de Goïta. Cependant, les Français ont bombardé les fiefs de Katiba Macina, mettant en échec le plan d’unité nationale parrainé par Dicko. L’offensive française a été approuvée par le président Bah N’Daw, ce qui a envenimé les relations entre le gouvernement, l’armée et le CMAS.
Ensuite, lors de la formation du second gouvernement de Moctar Ouane, le CMAS et la junte ont été écartés de la même manière. L’imam Dicko devait choisir un ministre, et Goïta devait en choisir quatre. Or, Moctar Ouane a unilatéralement remplacé les ministres représentant l’un et l’autre.
La junte et le CMAS se sont donc retrouvés deux fois lésés par le gouvernement. Ce qui explique le rapprochement entre les deux. Le M5-RFP, quant à lui, s’opposait au leadership politique depuis le coup d’Etat de 2020. Et il est donc tout à fait logique que tous se retrouvent autour de la table, depuis le renversement de N’Daw et Ouane.
Ambiance studieuse à l’occasion d’une audience cet après-midi avec l’Imam Mahmoud Dicko à Bamako avec @BenYaiche et Kader Abderrrahim, directeur d’Etude @InstitutIPSE pic.twitter.com/MyxijnWdS7
— Dupuy Emmanuel (@Emdupuy) May 22, 2021
La caravane passe et Dicko, Goïta et Maïga la dirigent
Le chercheur Emmanuel Dupuy avait rencontré Mahmoud Dicko avant le coup d’Etat du 24 mai. Il ramène les évènements au Mali aux promesses non-tenues par Bah N’Daw et Moctar Ouane. Mais aussi, il précise que le « processus de démocratisation engagé depuis le 18 août 2020 » n’était pas au goût de tous.
Le forcing des instances internationales dans la nomination du gouvernement Ouane déplaisait à la rue malienne. Et l’ingérence française, militarisée depuis une décennie au Mali, a renforcé le sentiment anti-français dans le pays. Il ne faudrait donc pas s’étonner que les élites, autant que les populations, soutiennent le seul acteur politique qui tient tête à l’interventionnisme français.
Cette mouvance arrive maintenant à faire plier jusqu’à la CEDEAO. La communauté économique, mal vue par les Ouest-Africains pour son suivisme, n’a pas imposé de sanctions aux putschistes maliens. Cela contraste clairement avec les évènements d’octobre 2020.
Au niveau national, les Maliens se rallient autour de leurs élites et de l’Etat. Il est clair que les « menaces » et les « recommandations » du président français Emmanuel Macron ont provoqué tout le monde. L’opinion publique malienne ne tient même plus compte des menaces de la MINUSMA, de l’ONU ou de l’Union africaine (UA).
C’est donc un champ fertile pour l’unité nationale qui s’étend devant l’imam Dicko, le Premier ministre Choguel Maïga et le président Assimi Goïta. Plusieurs Etats africains soutiennent aussi la transition malienne, même sous l’égide de la junte. Le président Ghanéen Nana Akufo-Addo l’a démontré pendant le sommet de la CEDEAO. Aussi, le Nigéria, le Burkina Faso et la Guinée se tiennent activement aux côtés du Mali. Donc, malgré les vociférations d’Emmanuel Macron et de ses alliés internationaux, il semble que la transition au Mali se déroule dans un climat d’unité et de paix.
Nul n’a la droit d’affoler ce pays 🇲🇱 et cette nation qui ont besoin de calme, de paix et de sécurité absolue. Ce 🇲🇱est grand. Ce 🇲🇱 est fort. Même accroupi, ce 🇲🇱 se relèvera et doit se relever. Fils du 🇲🇱 réveillons nous et unissons nous contre le mal et les malfaisants.
— Mamadou Ismaila KONATE (@vieuxmko) May 24, 2021