Alors que deux sommets extraordinaires de la Cedeao et de l’Uemoa consacrés au Mali se tiendront à Accra dimanche, les autorités maliennes de transition et la communauté internationale ont entamé un bras de fer. Qui aura gain de cause ?
Le dossier malien est sans aucun doute l’un des plus chauds de ce début d’année 2022, pour l’Afrique. La junte militaire, qui a pris le pouvoir en août 2020, est dans le collimateur de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) depuis mai dernier.
Ce dimanche, les chefs d’Etats de la Cedeao se rencontreront lors d’un sommet, alors que les présidents de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) ont également prévu de se réunir.
L’objectif de ces deux rencontres de haut niveau sera de statuer sur la feuille de route des autorités de transition au Mali. A la suite des Assises nationales de la refondation qui se sont déroulées en décembre dernier, le président du Mali Assimi Goïta a annoncé vouloir une transition de cinq ans. Lors des Assises, il avait été question d’une transition durant entre six mois et cinq ans.
Mais Assimi Goïta estime que le retour de la stabilité au Mali exige le maximum de temps. Et ce pour pouvoir organiser un référendum constitutionnel, des élections législatives et surtout éliminer la menace sécuritaire, avant que le pays ne vote pour son nouveau chef de l’Etat.
On se dirige donc inexorablement vers une confrontation entre le Mali et la Cedeao. Assimi Goïta sait pertinemment que, bien que le Mali risque d’aller au clash, surtout après les tensions entre son pays et l’organisation sous-régionale, la Cedeao ne peut pas se permettre de laisser le Mali à la marge trop longtemps.
L’importance du Mali pour la Cedeao
Le Mali n’est pas un cas unique. Un autre pays est sorti des rangs du « syndicat de chefs d’Etat » — le surnom donné à la Cedeao par le président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embaló — : la Guinée. Les putschistes guinéens, le président Mamady Doumbouya en tête, réclament « au moins deux ans » avant l’organisation d’un scrutin. Et le militaire guinéen, comme Assimi Goïta, refuse de se laisser dicter sa conduite par la communauté internationale.
Sauf que le Mali n’est pas la Guinée. A Bamako, la Cedeao n’est pas seule : la France et ses alliés occidentaux s’opposent en effet à la Russie, au Mali. Or, pour le bloc ouest-africain, cette rupture avec Bamako n’arrange pas les intérêts économiques des plus grands détracteurs de Goïta et de son gouvernement. Le Mali demeure, après tout, l’un des plus grands marchés d’exportation des pays voisins. Et malgré les déclarations hostiles de la France envers Bamako, les chefs d’Etat de la Cedeao ont su rester très modérés, à quelques exceptions près.
C’est le cas, par exemple, des présidents de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso, Alassane Ouattara et Roch Marc Christian Kaboré. Pour Ouattara, le commerce malien représente 800 millions de dollars par an, soit le quart de l’excédent commercial de la Côte d’Ivoire en 2019 et en 2020. Pour Kaboré, les frontières communes avec le Mali sont le terrain opératif des organisations terroristes de la région. Et sans coopération avec le Mali, le Burkina Faso serait plus abandonné encore qu’il l’est déjà par les pays voisins.
La Cedeao au service de la France ?
Difficile aujourd’hui de trouver l’équilibre entre un maintien de la cordialité entre Bamako et les autres capitales africaines, et l’artifice d’une entente avec Paris.
Du côté de la France, c’est surtout l’intervention militaire russe qui inquiète. Cette dernière a pris une forme plus officielle. Après que les autorités maliennes ont nié tout déploiement de Wagner, des instructeurs militaires de l’armée russe ont fait leur apparition à Tombouctou, dans le nord malien.
Une coopération militaire entre le Mali et la Russie beaucoup plus assumée par Bamako, désormais. « Nous avons reçus de nouveaux avions et équipements militaires » de la part des Russes, a déclaré jeudi à Reuters le porte-parole de l’armée malienne. « Cela coûte moins cher de s’entraîner à leur utilisation sur place que là-bas (en Russie, ndlr). Quel est le problème ? », demande le responsable militaire.
De quoi, d’abord, couper court aux analyses pour le moins pessimistes des médias français sur l’arrivée du groupe Wagner au Mali. D’autant que, à l’avenir, le Mali devrait bénéficier d’un appui diplomatique et militaire russe de plus en plus fort.
Et si, finalement, la seule partie à être en mauvaise posture lors des sommets sur le Mali était la horde de chefs d’Etat africains, qui semblent être devenus les porte-parole de la France ?
Car, avec la Cedeao qui ne cesse de perdre de sa crédibilité et de faire figure de subalterne du Quai d’Orsay, faire partie du « syndicat de chefs d’Etat » n’est plus aussi confortable qu’il le fut autrefois. Quelle position aborderont les présidents ouest-africains face à un Assimi Goïta qui semble faire cavalier seul… ou presque ?