Le Premier ministre malien Choquel Maïga multiplie les sorties hostiles à la France. Des déclarations, marquées par le sentiment anti-politique française du peuple malien, qui gênent de plus en plus Paris.
« Certains pays se servent de la Cedeao et de l’UEMOA pour régler d’autres comptes ». Appelé à commenter les sanctions imposées par les présidents ouest-africains, le Premier ministre malien Choguel Maïga n’a pas eu la langue dans sa poche. Et s’il tire à boulets rouges sur ses voisins, Maïga vise bel et bien indirectement la France. Et parfois même de façon frontale : Choguel Maïga estime en effet que Paris œuvre à « la désintégration » de l’Etat malien et juge les accords militaires entre Paris et Bamako « déséquilibrés ».
Ce n’est pas la première fois que Maïga charge Paris. Jugeant le départ annoncé de Barkhane du Mali comme « une espèce d’abandon en plein vol » de la part de la France, le Premier ministre malien s’est donc une nouvelle fois emporté. Cette fois, il met dans le même sac Paris, la Cedeao et l’UEMOA.
La Cedeao dans la ligne de mire
« La finalité des sanctions illégales et illégitimes de la Cédéao et de l’Uemoa est de déstabiliser l’Etat malien et d’achever un peuple déjà à terre, assure-t-il. En comparant, ces sanctions aux textes fondamentaux de ces organisations, vous vous rendrez compte qu’il y a eu un abus de pouvoir. On a choisi, l’Etat d’extrême faiblesse du Mali dans lequel il s’est retrouvé à cause des considérations d’ordres géopolitiques », a déclaré Choguel Maïga.
En parlant de « considérations d’ordres géopolitiques », Maïga déplore notamment les intérêts de plusieurs pays devenus intimement liés à la France — comme le Togo, la Côte d’Ivoire ou le Niger —, qui voient d’un mauvais œil les régimes se tournant vers la Russie.
Le 15 janvier, Choguel Maïga a visé avec un peu plus de violence la France qui, à l’écouter, se croit un peu trop chez elle au Mali. « Nous voulons relire les accords déséquilibrés qui font de nous un État qui ne peut même pas survoler son territoire sans l’autorisation de la France », a-t-il affirmé, au moment d’évoquer son espace aérien.
Si Paris crie au populisme, estimant que Maïga profite d’un sentiment anti-politique française — partagé par de plus en plus de Maliens —, et que le Premier ministre exagère en ce qui concerne les autorisations de survol du Mali, Maïga semble réellement vouloir réexaminer les accords qui lient les deux pays.
Moins de privilèges pour la France
Ce que le Premier ministre voudrait notamment revoir, c’est le cadre global de l’intervention militaire française. Alors que la France et le Mali ont des accords pour Barkhane, puis Takuba, Bamako préfèrerait des accords bilatéraux avec chaque pays.
Concernant la France en particulier, Choguel Maïga souhaiterait être plus dur. Il voudrait en effet mettre fin aux exemptions de visas accordés aux militaires français et imposer plus de contrôle concernant l’importation de matériel militaire.
Une volonté d’avancer qui posera tôt ou tard souci à la France, qui estime être indispensable sur le terrain militaire au Mali. Le Premier ministre dit tout haut ce que les autres pensent tout bas. De quoi craindre pour son avenir à la tête du gouvernement malien. « Ses attaques en règle contre la France pourraient lui être fatales », résume un observateur aguerri pour qui Paris s’appuie sur les sanctions de la Cedeao pour mettre encore plus la pression sur la junte militaire en place.
Pourtant, Maïga dit des vérités indéniables. Au moment où la France annonçait son retrait du Mali, le Premier ministre affirmait « regretter que le principe de consultation et de concertation qui doit être la règle entre partenaires privilégiés n’ait pas été observé en amont de la décision française ».
Choguel Maïga, Paris et la Russie
Mais où Maïga dérange encore plus, c’est lorsqu’il critique le bilan français. Certes, le Mali avait demandé à la France de François Hollande, en 2013, de l’aide. Mais le Premier ministre assure que Bamako n’avait demandé « qu’un appui aérien » et « en renseignements » et que le Mali, toujours selon lui, ne voulait pas d’une présence militaire au sol.
Choguel Maïga s’est donc tourné, comme son président, vers la Russie. Depuis que le Mali a entamé des discussions avec le groupe paramilitaire Wagner, Paris voit rouge et estime que cela est « inconciliable » avec sa propre présence sur place. Mais Choguel Maïga se demande ce qu’il peut y avoir « d’étonnant dans le fait que l’on souhaite renforcer notre collaboration avec la Russie ? 80% des militaires maliens ont fait leur formation en Russie, une bonne partie de notre équipement militaire vient de Russie ».
Depuis, entre la France et le Mali, c’est le désamour. Paris ne serait pas étranger aux sanctions prises par la Cedeao et l’UEMOA ces derniers jours. « Bamako est un peu l’ex-petite-amie que l’on traitait avec condescendance et à qui l’ont fait payer une rupture », ironise une source diplomatique.