Plusieurs médias ont annoncé la rupture de « l’accord de 25 ans » entre le Soudan et la Russie. Cet accord comprend la construction d’une base navale offshore russe. Bien qu’aucune annonce officielle n’ait encore eu lieu, il n’y a pas de fumée sans feu.
Khartoum aurait rescindé l’accord signé avec Moscou le 1er décembre 2020. Et la Russie n’aura pas sa première base navale en Afrique de l’Est. Aucun des deux gouvernements n’a encore commenté sur ces rumeurs. Toutefois, depuis le renversement d’Omar el-Bechir, les priorités de la Russie et de ses alliés sont passées au second plan pour le Soudan.
Donner c’est donner…
En effet, le chef d’Etat soudanais al-Burhan ne partage pas la politique étrangère du régime el-Bechir. Pour rappel, en 2017 l’ex-président soudanais avait rencontre Vladimir Poutine et lui avait demandé de le « protéger contre les actes agressifs des Etats-Unis. ». Le long règne d’el-Bechir avait été ponctué d’un rapprochement avec la Chine, ensuite avec l’Inde, et enfin avec le Fonds monétaire international (FMI). Ce n’est qu’avant la fin de sa présidence et son renversement par les militaires qu’il avait concrétisé un début d’arrangement avec le gouvernement russe. Ensuite, au fil des successions à la tête de l’Etat soudanais, l’accord de défense mutuelle, lui, a continué de s’établir lentement mais sûrement. Et en décembre, le gouvernement soudanais a enfin signé son accord sur la base navale russe en mer Rouge.
La marine russe a aussi été autorisée à garder jusqu’à quatre navires à l’intérieur des frontières maritimes soudanaises. La future base pouvait contenir jusqu’à 350 soldats. De plus, la Russie avait le feu vert pour transporter les armes et les équipements via les aéroports et les ports soudanais. Jusque-là, la Russie utilisait les termes du contrat afin d’acheminer des paramilitaires et des instructeurs militaires vers la République centrafricaine. Et pendant la crise soudanaise, le même accord a permis à la Russie de fournir le gouvernement du Soudan en armes, malgré l’embargo des Nations Unies.
Al-Burhan et les Etats-Unis
Toutefois, Abdelfattah Abdelrahmane al-Burhan, le président du Conseil de souveraineté du Soudan, voit les choses autrement. En février 2020, il a été à l’origine de la normalisation des relations entre le Soudan et Israël. Depuis, les relations entre les Etats-Unis et le Soudan ont viré de bord. Al-Burhan fait aussi office d’intermédiaire entre les Emirat arabes unis et l’Arabie saoudite.
Le mandat d’al-Burhan prend fin courant mai 2021. Or, le chef d’Etat soudanais faisait part de l’accord entre l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC) et les putschistes qui ont renversé el-Bechir. Non seulement il joue le rôle de médiateur à un niveau national, mais aussi à un niveau régional. En effet, entre la crise du Darfour, la guerre du Yemen, et le Congrès national, al-Burhan est sous pression. Il devait choisir entre les intérêts russes et iraniens d’un côté, et les intérêts européens et américains de l’autre. Toutefois, si le gouvernement officialise la déclaration de l’état-major soudanais, il semble que les intérêts occidentaux l’emportent. Selon l’armée soudanaise : « Moscou a été informée de la suspension de l’accord militaire. ».
Néanmoins, l’ambassade de Russie à Khartoum a déclaré hier qu’elle n’avait reçu aucune lettre officielle du gouvernement à ce sujet. Sur son compte Facebook, l’ambassade russe a déclaré : « Ces déclarations visent à nuire aux relations amicales russo-soudanaises ». Les déclarations en question seraient celles de l’armée soudanaise. Cependant, ce paradoxe devrait s’éclaircir pendant les prochains jours. Somme toute, l’essor de l’accord entre la Russie et le Soudan déterminera beaucoup d’enjeux géopolitiques en Afrique de l’Est et dans la zone MENA.