En un mois, le nombre de personnes ayant reçu une dose de vaccin anti-Covid en Afrique a doublé. Un chiffre qui doit beaucoup à l’accélération de la campagne de vaccination en Tunisie.
Le 29 août dernier, la Tunisie faisait un grand pas dans sa campagne de vaccination contre la Covid-19 : 1,6 million de personnes avaient été vaccinées en une seule journée, grâce à une mobilisation de l’armée et des travailleurs de santé. Une prouesse qui a montré l’importance de la volonté politique dans la vaccination : avant que le président tunisien ne s’arroge les pleins pouvoirs, son ex-chef du gouvernement, Hichem Mechichi, avait fait preuve d’un immobilisme qui avait plongé la Tunisie dans le chaos sanitaire.
Avec plus de 4 millions de personnes ayant reçu une dose de vaccin, et plus de 2 millions ayant reçu les deux, la Tunisie frôle avec le chiffre de 40 % de personnes vaccinées. Des statistiques qui viennent, pas la même occasion, relativiser l’exploit marocain. Le royaume est, certes, le pays africain le plus vacciné avec plus de 53 % de personnes ayant reçu au moins une dose.
L’Afrique, elle, dépasse aujourd’hui les 6 % de personnes ayant reçu au moins une dose : un chiffre qui a plus que doublé depuis fin juillet, alors que 3,8 % des Africains sont entièrement vaccinés. Des statistiques en trompe-l’œil, qui doivent beaucoup au Maroc, à la Tunisie ou encore à l’Afrique du Sud.
Volonté politique
Comme la majorité des pays africains, voire des pays du monde, la Tunisie traverse une crise économique grave. Le pays est lourdement endetté et la crise politique que la Tunisie traverse a plongé les populations dans le doute. Malgré ces problèmes, l’accélération soudaine de la vaccination, quatre jours après le limogeage du chef du gouvernement, démontre que le réel souci de ce pays nord-africain se situait au niveau politique.
La paralysie institutionnelle dans laquelle était plongée la Tunisie a freiné une campagne de vaccination quasi inexistante avant le 25 juillet, date à laquelle le président Kaïs Saïed s’est arrogé les pleins pouvoirs. Il a suffi d’un appel à la vaccination pour que les rouages du secteur sanitaire tunisien se remettent en marche. Et de mauvais élève, la Tunisie est petit à petit en train de devenir la championne vaccinale du continent.
Sur le reste du continent, les autorités sanitaires des pays africains n’arrivent pas toujours à organiser efficacement leurs campagnes de vaccination. Mais là où les Tunisiens se sont précipités dans les centres de vaccination, les autres populations du continent sont parfois plus frileuses à l’idée de se faire vacciner. De plus, certains pays n’ont commencé à importer des vaccins que très tard, à l’instar de la Tanzanie et du Burundi. Enfin, « l’apartheid vaccinal » est une réalité : les pays africains ont longtemps attendu les livraisons de vaccins de la part de l’initiative Covax. Certains, comme le Sénégal et l’Ouganda, ont dû signer des accords de leur côté.
Confrontés à de nombreuses difficultés, plusieurs pays africains comme l’Algérie, l’Afrique du Sud et l’Egypte ont opté pour la fabrication de vaccins dans leurs pays, afin d’assurer notamment le rappel dans les prochaines années. D’autres encore, comme le Maroc, ont préféré le modèle français, et se verraient bien prendre la décision de rendre les vaccins obligatoires.
Viva España
Mais le Maroc et la Tunisie ont prouvé que, outre l’aspect politique, la réussite de la vaccination dépendait en majeure partie de l’engagement citoyen. Au Sénégal, la fabrication de vaccins a été un choix inévitable. En janvier 2021, 54,4 % des personnes interrogées affirmaient avoir l’intention de se faire vacciner. Alors que 1,77 million de doses avaient été administrées dans le pays, seul le tiers des Sénégalais ont reçu leur seconde dose. Un sondage relève que 32,8 % des Sénégalais refusent de se faire vacciner.
La sensibilisation prend ainsi autant d’importance que la disponibilité des vaccins. Et les deux vont de pair. Au Niger, par exemple, la tendance est inverse : 93 % des Nigériens veulent se faire vacciner, mais à peine 0,5 % le sont.
En Libye et en Ouganda, les autorités ont déploré la lenteur des laboratoires dans l’envoi des secondes doses.
Existe-t-il une solution africaine ? En Europe, les pays mis sur le carreau ont compris qu’ils ne pouvaient compter que sur eux-mêmes. C’est le cas de l’Italie, mais surtout de l’Espagne. Le pays ibérique avait les pires statistiques européennes en décembre 2020. L’Espagne et l’Italie en sont aujourd’hui, respectivement, à près de 80 % et plus de 70 % de vaccinés. Bien au-dessus d’Israël, du Royaume-Uni ou des Etats-Unis.
Ces derniers pays ont été les premiers à rendre disponibles les vaccins, mais ont connu un ralentissement inexplicable. Les fameux « miracles vaccinaux » n’en sont plus et d’autres pays semblent avoir pris la mesure de la vaccination. Reste que les disparités entre pays sont parfois énormes. En Afrique, plus particulièrement.