Une étude américaine montre que le vaccin AstraZeneca est efficace, indique Michael Head, de l’University of Southampton. Mais son efficacité contre le variant sud-africain n’est pas encore prouvée.
Le vaccin Oxford-AstraZeneca a fait l’objet d’un véritable débat politique ces derniers mois, notamment au sein de l’Union européenne (UE). Son efficacité, sa sécurité et sa disponibilité ont suscité des inquiétudes qui semblent avoir réduit la confiance de la population.
Le vaccin Oxford-AstraZeneca est l’un des principaux vaccins contre la Covid-19 maintenant disponibles. Il est donc essentiel qu’il soit accepté par le grand public. Les dernières données de l’essai de phase 3 pour ce vaccin, en provenance des États-Unis, pourraient potentiellement contribuer à dissiper certaines préoccupations antérieures en matière d’efficacité et de sécurité. Mais même ces résultats ont été remis en question. Au Canada, le vaccin a déjà été approuvé et Santé Canada a réitéré sa confiance envers lui, malgré le questionnement sur les résultats des essais aux États-Unis.
Cet essai américain a porté sur plus de 32 000 personnes, dont plus de 21 000 ont reçu au moins une dose du vaccin. Les résultats préliminaires – qui doivent encore faire l’objet d’un examen par les pairs – suggèrent que, lorsqu’elles sont administrées à quatre semaines d’intervalle, deux doses présentent une efficacité de 79 % dans la prévention de la Covid-19 symptomatique et de 100 % dans la prévention de la maladie grave et de l’hospitalisation.
On peut dire que ces nouveaux résultats correspondent tout à fait aux attentes, puisqu’ils sont comparables aux résultats publiés précédemment. Cependant, le comité indépendant de surveillance des données et de la sécurité qui a examiné l’essai s’inquiète du fait qu’AstraZeneca ait pu inclure des « informations obsolètes » dans son analyse, fournissant ainsi « une vision incomplète des données d’efficacité ». La situation devrait s’éclaircir dans les prochains jours.
Il s’agit sans aucun doute d’un revers. Le vaccin n’a pas encore été autorisé aux États-Unis, et ces derniers développements risquent de retarder encore ce processus. Toutefois, même si ces résultats américains sont susceptibles d’être modifiés, le tableau général qu’ils dressent reste positif à la lumière des inquiétudes soulevées précédemment en Europe : ils apportent des preuves supplémentaires que le vaccin est sûr et qu’il fonctionne chez les personnes âgées.
Apaiser les inquiétudes
Les résultats américains interviennent après une semaine particulièrement agitée pour ce vaccin. En quelques jours, aux alentours du 15 mars, un certain nombre de pays – principalement en Europe, dont l’Allemagne et la France – ont suspendu l’utilisation du vaccin, alors qu’un lien possible avec un type rare de coagulation sanguine, la thrombose veineuse sinusale cérébrale, ait été signalé chez 18 personnes récemment vaccinées.
Tout au long de cette enquête, l’Agence européenne des médicaments (EMA) et l’Organisation mondiale de la santé ont recommandé de poursuivre le déploiement, tout comme l’a fait la Société internationale de thrombose et d’hémostase. Les pauses, effectuées dans un contexte de hausse des infections dans de nombreux pays européens, entraîneront sans aucun doute davantage d’hospitalisations, de décès et de symptômes à long terme liés à la Covid-19. L’EMA a annoncé la semaine dernière qu’elle n’avait trouvé aucun lien de causalité, mais depuis, les pays n’ont pas tous recommencé à utiliser le vaccin.
Dans ce contexte, c’est une bonne chose que les données de l’essai américain n’aient révélé aucun nouveau problème de sécurité, y compris le risque de thrombose ou d’événements caractérisés par une thrombose. Bien sûr, un échantillon de 21 000 personnes ne peut pas être représentatif, puisque des événements indésirables rares tels que la thrombose du sinus veineux cérébral, se produisent normalement à un taux de seulement cinq cas par million de personnes. Mais cette nouvelle série de vérifications vient s’ajouter aux preuves de l’innocuité du vaccin, et nous espérons qu’elle contribuera à convaincre les pays de recommencer à protéger la population avec celui-ci.
Une autre question se pose : est-ce que les pauses dans les pays qui ont suspendu l’utilisation du vaccin augmenteront l’hésitation à se faire vacciner, que ce soit pour le produit d’Oxford-AstraZeneca ou pour les autres vaccins contre la Covid-19 ?
La France est généralement le pays d’Europe le plus réticent aux vaccins en dehors d’une pandémie, et un récent sondage YouGov a révélé que 61 % des Français pensent que le vaccin Oxford/AstraZeneca est dangereux. Il s’agit d’une augmentation de 18 points de pourcentage en un mois.
Des résultats similaires ont été obtenus auprès des personnes interrogées en Allemagne – 55 % d’entre elles le jugeaient dangereux, soit une augmentation de 15 points de pourcentage – ainsi qu’en Espagne et en Italie. Même au Royaume-Uni, qui a administré plus de 10 millions de doses du vaccin et où la confiance reste élevée, des rapports font état d’une augmentation du nombre d’absences au rendez-vous et de demandes pour le vaccin Pfizer à la place. Le rapport d’innocuité des États-Unis est donc le bienvenu, car la confiance des individus doit clairement être rehaussée.
Le communiqué de presse sur les résultats souligne également qu’environ 20 % des participants à l’essai américain étaient âgés de 65 ans et plus, et que dans ce groupe d’âge, l’efficacité était de 80 %. Cela peut également contribuer à renforcer la confiance.
Une autre critique concernant ce vaccin est qu’il n’a pas été suffisamment testé chez les personnes âgées. La décision d’autoriser le vaccin au Royaume-Uni était fondée sur des données limitées concernant ses effets chez les plus de 55 ans. En effet,ce manque de données a conduit certains pays européens à ne pas recommander initialement l’utilisation du vaccin chez les personnes âgées, ce qui peut également avoir miné la confiance des gens envers lui.
La vaccination est une arme importante contre la pandémie de la Covid-19 et contre toute grande épidémie. Des inquiétudes subsistent quant à l’impact des variants du coronavirus, qui remettent en cause l’efficacité de ce vaccin, notamment le variant B1351 observé pour la première fois en Afrique du Sud. De même, nous avons besoin de clarifier les résultats exacts de l’étude américaine en matière d’efficacité, étant donné les préoccupations soulevées par le comité de surveillance des données et de la sécurité de l’essai.
Malgré ces problèmes, le vaccin Oxford-Astrazeneca est très efficace et important. Compte tenu de son prix, de sa relative facilité de stockage et de sa production en si grand nombre, il demeure un outil important dans la lutte contre la Covid-19 à l’échelle de la planète.
Michael Head, chercheur spécialiste de la santé, University of Southampton
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.