Hier, l’ancien président de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, a rendu visite à un autre ex-président, Henri Konan Bédié (HKB), dans sa forteresse de Daoukro. Les militants des partis FPI et PDCI se sont retrouvés devant un discours… de fond.
Sous le signe de la réconciliation, la première rencontre — depuis le retour de Gbagbo en terre ivoirienne — entre les deux hommes forts de la politique ivoirienne s’est déroulée hier à Daoukro. Henri Konan Bédié (HKB) et Laurent Gbagbo se sont tenus la main pour la première fois depuis le retour du prisonnier de la CPI.
Une rencontre grand public pour les militants et cadres du Front populaire ivoirien (FPI) et leurs homologues du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA). L’ambiance était chaleureuse et la rencontre a été retransmise en direct sur internet. L’alliance de Gbagbo et HKB est relativement récente, et leur histoire politique a connu des hauts et des bas. Grand absent de ces retrouvailles, l’ombre du président Alassane Ouattara planait sur l’évènement.
Selon Antoni Garou, un militant du FPI et député-maire d’Ouragahio, « on ne peut pas l’exclure. C’est une alliance pour le bien de la Côte d’Ivoire ». Toutefois, il ne semble pas que les deux leaders politiques historiques aient pris compte du ressenti de Ouattara lors de cette rencontre.
D’abord, Gbagbo a tenu un discours de trente minutes, lors duquel il n’a pas vraiment tendu la main à Ouattara. Il a déclaré : « Il faut se battre pour être du côté de la Constitution, respecter les textes ! ». Il dénonce aussi l’exclusion du « Sphinx de Daoukro » de l’écosystème politique ivoirien. « Puis-je rencontrer Henri Konan Bédié sans que ça soit de la politique ? Assumons de faire de la politique ! ». Pourtant, HKB n’a pas toujours été l’ami de Gbagbo.
LA RÉSIDENCE DU PRÉSIDENT @HKBofficiel à Daoukro PRÊTE À ACCUEILLIR LE PRÉSIDENT LAURENT GBAGBO.#hkb#klg#CIV225 pic.twitter.com/yp0T1QjC2P
— FOFANA Hamed Ribah (@HamedRibah) July 10, 2021
HKB, Gbagbo et Ouattara, à quand la « réconciliation » ?
Un vent de renouveau souffle donc sur les relations entre le PDCI-RDA et le FPI, qui se sont plus ou moins alliés lors des dernières législatives. Une décennie nous sépare du temps où HKB appelait Gbagbo « le donneur d’ordre » et préconisait qu’il « rende des comptes ». Le parti de Bédié, le PDCI-RDA, a pris la relève du FPI dans ses moments les plus sombres. Cependant, HKB a boycotté l’élection de 2020 pour dénoncer l’inconstitutionnalité de la candidature de Ouattara.
Il y a deux ans, HKB et Gbagbo s’étaient rencontrés à Bruxelles, pendant que ce dernier attendait que sa remise en liberté soit confirmée par la CPI. Ils avaient alors enterré — définitivement ? — la hache de guerre. Et au vu du plébiscite dont fait l’objet Gbagbo, son alliance avec HKB pourrait permettre de créer un gros mouvement politique. Gbagbo, bien conscient de ce fait, a annoncé ce qui ressemble à un slogan de campagne : « Bédié-Gbagbo, unis pour une opposition plus forte ». A Abidjan, les déclarations vigoureuses de Gbagbo ne manqueront pas de faire grincer des dents.
Néanmoins, les deux hommes ont nuancé la rhétorique. Même si les lignes de fracture entre eux et le président Ouattara sont de plus en plus importantes. Des « amis communs » de Gbagbo et de Ouattara tentent en vain, depuis le 17 juin, d’organiser une rencontre tripartite. Pendant ce temps, Ouattara ne peut que scruter son meilleur ennemi, toujours plus fugace. D’un voyage à sa terre natale de Mama, Gbagbo a fait un séjour en RDC, où il a assisté à un mariage, la veille d’un dîner privé avec le président Félix Tshisekedi.
Devenu un symbole de la lutte contre l’impérialisme, Gbagbo est toujours sous le coup d’une décision de justice, pour le moment suspendue mais pas annulée. L’ancien président est condamné à 20 ans de prison pour une affaire de détournement des fonds de la BCEAO. Une épée de Damoclès que Ouattara laisse planer, encore et toujours, au-dessus de la tête de Gbagbo, comme pour mieux tenter de contrôler celui qui reste un rival.
Le Seigneur de la guerre @AOuattara_PRCI a piqué une crise de dépression aiguë depuis la rencontre des fils du pays Laurent Gbagbo et HKB. Il fait appel à ses marabouts pour briser cette nouvelle alliance: réconciliation au nom des miens. Rien ne doit arrêter cet élan patriotique pic.twitter.com/hbXxp9ipUj
— Farafina Wamy (@FarafinaW) July 11, 2021