Après plus d’un mois de négociations, le Mali et les paramilitaires russes de Wagner vont signer leur premier contrat. La France perd encore de son influence dans la région.
Le groupe paramilitaire Wagner de l’homme d’affaire russe Evgueni Viktorovitch Prigojine est sur le point de conclure son premier contrat avec le Mali. Le pays ouest-africain est sous la menace constante des groupes terroristes liés à l’organisation Etat islamique et al-Qaïda. L’échec des troupes françaises de l’opération Barkhane a poussé Bamako à chercher de nouvelles solutions avec des partenaires différents. Or, depuis le coup d’Etat d’août 2020, qui a provoqué le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta, le Mali et la France ne sont plus vraiment en phase. Une situation qui s’est dégradée un peu plus depuis le second coup d’Etat contre Bah N’Daw. L’actuel président malien, Assimi Goïta, un militaire, a depuis longtemps dénoncé l’arrogance des Français. Il estime à demi-mots que la présence militaire française au Mali ressemble à celle d’une force néocoloniale.
La future coopération entre Bamako et Wagner donnera lieu à l’envoi de 1 000 soldats, pour un coût total de 10 millions de dollars par mois. On est bien loin du milliard de dollars que coûte chaque année le déploiement des 10 000 Casques bleus de la MINUSMA depuis 2013. Et, depuis l’intervention de Wagner en République centrafricaine (RCA), l’efficacité des mercenaires de Prigojine n’est plus à prouver. En effet, si, en février, la présence de l’Etat en Centrafrique se résumait à la capitale assiégée de Bangui, les FACA, appuyés par Wagner, contrôlent désormais tout l’ouest et le centre de la RCA.
Mauvais choix français, pragmatisme russe
C’est d’ailleurs l’efficacité de Wagner qui a entrainé l’exil forcé des troupes françaises de la RCA. De quoi vexer Paris, qui a subi en Centrafrique de véritables revers. Or, en plus de l’inefficacité des interventions françaises, Paris doit également composer avant un sentiment anti-français qui ne cesse de croître au sein des populations. Au Mali, ce sentiment est mêlé à des incompréhensions : en janvier et en mars, l’aviation de Barkhane a bombardé et tué des dizaines de civils. Enfin, l’omniprésence d’entreprises françaises au Mali dans les secteurs clés de l’infrastructure et des mines inquiète aussi les populations.
Au-delà de ces facteurs, l’arrogance française dérange. Le refus de Paris de soutenir la junte malienne d’Assimi Goïta, pourtant très populaire, n’a fait qu’exaspérer les Maliens. Et lors de leurs dernières visites à Bamako, la ministre française des Armées Florence Parly et le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian n’ont fait que fustiger les maîtres des lieux et défendre la légitimité de la politique de la France au Mali.
Pour Louis Magloire Keumayou, président du Club de l’information africaine, cette suffisance française devient inacceptable et tranche avec la politique russe. « On ne peut pas mettre les deux pays sur un pied d’égalité. Entre la France et ses anciennes colonies en Afrique, il y a un rapport de domination qui ont aujourd’hui ne peut plus être accepté. C’est pour cela qu’il y a tant de partisans de l’abolition du Franc CFA sur le continent africain. La Russie, elle, a été là au moment où les pays africains se battaient pour leur indépendance », affirme-t-il.
Wagner, alternative à la France ?
Aujourd’hui, l’intervention des paramilitaires russes inquiète Paris, notamment à cause de considérations géopolitiques. Devant une commission parlementaire, Florence Parly a déclaré : « Si les autorités maliennes passaient un contrat avec Wagner, ce serait extrêmement préoccupant et incohérent avec tout ce que nous avons fait depuis des années et que nous entendons faire pour soutenir les pays de la région du Sahel ». Du côté du ministère de la Défense malien, la réponse a été immédiate : « Le Mali entend diversifier ses relations à moyen terme pour assurer la sécurité du pays. Nous n’avons rien signé avec Wagner, mais nous parlons avec tout le monde ».
Tout le monde ? En réalité, il n’y a que peu de pays qui peuvent aujourd’hui se permettre de contrecarrer l’influence française en Afrique, surtout dans la sous-région malienne. La Russie en fait partie. Et c’est pour cette raison que les forces de Wagner sont souvent présentes là où la France s’est faite botter : en Libye, au Mozambique, au Sud-Soudan ou encore en Ethiopie. Force est de constater que les pays où Wagner intervient affrontent plus efficacement les menaces sécuritaires et adoptent une diplomatie plus franche et souveraine. Sans oublier, évidemment, que la palette de services russes dépasse de loin le simple soutien militaire.