Après sa visite dimanche au Niger, la ministre française des Armées Florence Parly est arrivée au Mali, où elle devrait rencontrer, ce lundi 20 septembre, les autorités militaires.
Alors que le président français Emmanuel Macron fait actuellement pression sur plusieurs dirigeants ouest-africains pour faire annuler le futur accord entre Bamako et la société de sécurité russe Wagner, Paris a envoyé sa ministre des Armées au Sahel. Florence Parly s’est arrêtée une demi-journée à Niamey, où elle a été accueillie par son homologue nigérien Alkassoum Indattou. Elle aurait également rencontré le président Mohamed Bazoum. Au centre des discussions : le renforcement des capacités de la base militaire aérienne de Barkhane au Niger. Florence Parly ne s’en est pas cachée : la France veut faire pression sur le Mali voisin.
Bamako a en effet bien avancé sur un accord entre les autorités maliennes et le groupe de paramilitaires russes Wagner, pour l’envoi de mille hommes. Une nouvelle qui inquiète la France, qui semble être en passe de perdre l’un de ses prés carrés. Emmanuel Macron, conscient qu’il faut en finir avec Barkhane du Mali, veut cependant garder les rênes du processus militaire et de la lutte antiterroriste dans le pays. En perte d’influence, la France compte beaucoup sur le Mali. En République centrafricaine, où Wagner était intervenue en 2018, les soldats français avaient dû quitter le pays par la suite.
Si Bamako conclut un accord de collaboration avec Wagner, le même scénario risquerait de se reproduire. Et ça, Paris ne veut pas en entendre parler. Le Premier ministre malien Choguel Maïga a d’ores et déjà montré qu’il n’accepterait pas d’ingérence française. Il a déclaré que la Mali ne permettrait « à aucun Etat de faire des choix à sa place et encore moins de décider quels partenaires il peut solliciter ou pas ». « Il y a des partenaires qui ont décidé de quitter le Mali pour se replier sur d’autres pays, il y a des zones qui sont abandonnées », expliquait Maïga jeudi dernier.
Florence Parly tente de s’imposer
L’arrivée de Florence Parly au Mali intervient donc dans un contexte très tendu. La ministre française ne lâche pas de lest, cependant. Avant même de sa rencontre prévue avec son homologue malien Sadio Camara, elle annonce qu’« on ne va pas pouvoir cohabiter avec des mercenaires ». Pensant « modérer » ses propos, Florence Parly poursuit en affirmant que « la France ne s’en va pas », mais qu’elle « maintiendra son engagement pour accompagner les forces armées sahéliennes ». « La situation reste précaire, nous savons que c’est un long combat », conclut la ministre.
La ministre française voudrait donc imposer la présence française au Mali, malgré les déclarations de Maïga. Les relations entre la France et le président malien Assimi Goïta et sa junte semblent être arrivées à un point critique. Lors de sa dernière visite à Bamako, Parly avait nié l’implication de la France dans un bombardement de civils à Gao. Le lendemain, l’ONU publiait un rapport d’enquête prouvant les accusations maliennes. Ajoutée à ces événements, une campagne menée par le président français Emmanuel Macron, visant à isoler le Mali financièrement et diplomatiquement, a vexé la junte militaire en place.
D’autant que la suspension de la coopération militaire avec l’armée malienne, suivie par l’annonce du remplacement de Barkhane par la force internationale Takuba — majoritairement européenne — a fortement déplu à Goïta. Et l’intervention hostile de Bazoum, télécommandée par Paris, a fini de ternir les relations entre l’ex-puissance coloniale et le Mali.
Sentiment anti-français au sein du gouvernement
L’arrivée de Parly au Mali aujourd’hui s’annonce donc décisive. L’émissaire d’Emmanuel Macron ne lâchera pas de lest. Le retour sur la décision de retrait de Barkhane n’est en effet plus possible. La semaine dernière, l’armée française a annoncé la mort du chef de l’organisation terroriste l’Etat Islamique dans le grand Sahara (EIGS), Adnane Abou Walid al-Sahraoui. Mais cette annonce s’accompagne de zones d’ombre : le chef de l’EIGS avait été tué le 17 août après un bombardement de l’armée française. Pourquoi a-t-il fallu attendre un mois avant la confirmation de son identité ou l’annonce de sa mort ? Les autorités françaises détiennent le frère d’al-Sahraoui et un test ADN, prenant 48 heures tout au plus, aurait pu suffire.
Si Florence Parly compte donc, ce lundi, tenter d’empêcher le Mali de s’engager avec de nouveaux partenaires dans la lutte antiterroriste — russes ou non —, la méthode risque de ne pas plaire à Bamako, où le sentiment anti-français prédomine. Il faut rappeler que l’actuel ministre malien de la Défense, Sadio Camara, n’est pas un allié de la France, loin de là. Après son éjection du gouvernement par l’ancien président Bah N’Daw, Sadio Camara avait dénoncé « la mentalité coloniale de la France » et son influence sur le président de transition, renversé depuis. Autant dire que la rencontre entre Parly et la junte militaire ressemble à une vaine tentative de recoller les morceaux.