Alors que le mouvement algérien de contestation fête ses deux ans, le peuple n’en finit plus de demander la fin d’un système. Pendant ce temps, le président Tebboune réfléchit à des élections anticipées.
Il y a deux ans, le peuple algérien se soulevait. A partir du 16 février 2019, jeunes, femmes, militants et membres de la diaspora sortaient chaque semaine dans la rue pour protester contre la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat présidentiel. Six jours auparavant et après près de vingt années au pouvoir, le président de la République avait annoncé, par la voix du Front de libération nationale (FLN), son parti, qu’il rempilait.
Peu à peu, et après avoir obtenu satisfaction, les manifestants du Hirak — comprenez « mouvement » — ont revu leurs revendications à la hausse. Lors des marches, il était alors question d’une Deuxième République ou encore du départ des dignitaires du régime. Dans le viseur des protestations également : le scrutin présidentiel de décembre 2019, que le Hirak voyait comme une mascarade. Une Instance nationale de dialogue avait pourtant vu le jour quelques mois auparavant. Mais Gaïd Salah, le chef d’état-major de l’armée algérienne, avait petit à petit tenté d’étouffer la contestation et pressé le pouvoir d’organiser des élections.
En pleine pandémie, la répression s’est accentuée
Deux ans plus tard, que reste-t-il du Hirak ? Touchée par le coronavirus, l’Algérie a vécu une année plutôt tranquille. Bien loin des manifestations de février 2020. Lors de la célébration du premier anniversaire du mouvement, les contestataires étaient sortis dans la rue pour réclamer le départ du président Abdelmadjid Tebboune. Le chef de l’Etat assurait alors que le Hirak était « salutaire » et avait « épargné au pays une catastrophe ».
Mais derrière les beaux discours, le pouvoir en place a tout fait pour mettre un point final à la contestation. Les manifestations suspendues pour cause de pandémie, la répression s’est accentuée en 2020 : activistes condamnés pour des messages sur les réseaux sociaux, interpellations lors des rares manifestations organisées ou fermetures de journaux en ligne… Deux ans après la naissance du mouvement, l’Algérie connaît une nouvelle vague de restriction des libertés.
Le Hirak n’a cependant pas dit son dernier mot. Et les revendications n’ont que peu changé. Karim Tabbou, l’un des leaders du mouvement, assure que « l’heure de la sortie a sonné pour ce système corrompu. Nous espérons la construction d’une Algérie nouvelle : des droits humains, des libertés et de l’Etat de droit ». La Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH) exige, elle, la libération des détenus d’opinion et demande « le changement politique, démocratique et effectif du système ».
Vers des élections législatives anticipées
Hasard du calendrier, Abdelmadjid Tebboune a dû quitter le pays pour se faire soigner en Allemagne. De retour au pays, le président aurait réuni les leaders des partis d’opposition, parmi lesquels le Mouvement de la société pour la paix (MSP), une formation islamiste, et le Front des forces socialistes (FFS), pour les consulter à propos de potentielles élections.
Tebboune envisagerait, selon les participants à ces rencontres, la dissolution du Parlement et l’organisation d’élections législatives anticipées. Prévu en 2022, le scrutin pourrait avoir lieu avant l’été prochain. S’il veut éviter le courroux du Hirak, le président algérien devra prendre des mesures fortes. C’est ce que demande le FFS, qui demande, de la part du chef de l’Etat, « une réelle volonté politique pour instaurer le changement souhaité ». Pas sûr que cela suffise. Le Hirak estime toujours que Tebboune est le symbole d’un système corrompu. Or, au moment où la chute des cours du pétrole et le coronavirus ont fragilisé l’économie algérienne, le peuple demande plus que des actes symboliques. Il veut des changements en profondeur.