Depuis mercredi, les émeutes en Afrique du Sud ont pris un tournant tragique. Après les affrontements entre les forces de l’ordre et les émeutiers, les crimes de haine ont fait 24 morts sur les 117 décomptés.
Duduzane Zuma, fils de l’ancien président sud-africain qui s’était rendu à la police pour purger sa peine, a estimé que l’Afrique du Sud n’est « qu’à un massacre d’une spirale incontrôlable ». Cette spirale, le pays pourrait bien être plongé dedans après ce qui s’est déroulé à Phoenix, un township de Durban, ce jeudi 15 juillet. Alors que l’Etat sud-africain déploie un nombre impressionnant de militaires – 10 000 selon certaines sources, le double selon d’autres –, les maux du racisme se manifestent à nouveau dans les rues et de nombreux Sud-Africains ont décidé de se faire justice eux-mêmes.
Le nombre de morts a encore grimpé après les événements de Phoenix, alors que plusieurs décès avaient été enregistré après des échanges de tirs entre casseurs et forces de l’ordre. Dans certains quartiers des grandes villes sud-africaines, des actes de « vigilantisme » se multiplient : les populations se regroupent en patrouilles pour venir à bout des émeutiers. Mercredi, ce sont les communautés indienne et afrikaner qui en ont subi les conséquences. Depuis, de terribles vidéos circulent sur internet, dans lesquelles ont voit des civils armés qui tirent sur leurs concitoyens, parfois à cause de leur couleur de peau.
Indians killing any black person in the Phoenix community @PresidencyZA you could have prevented all this last night, this is no longer about Zuma but people are hungry while you're busy enjoying the luxury! Tell them to come for me #BlackLivesMatter #ShutdownSA #ShutdownKZN pic.twitter.com/FtVa7wVEmC
— mapreehh . (@CocoBrownShugah) July 12, 2021
Le roi zoulou a bien du mal à calmer les esprits
Depuis le début des émeutes, des entreprises ont été incendiées et au moins 117 personnes sont décédées. Parmi les dernières victimes, au moins 24 ont été tués dans la nuit à Phoenix, la ville indienne du KwaZulu-Natal (KZN). Selon les témoins sur place, ce sont des Sud-Africains en majorité noirs qui ont été visés par des milices locales. Les victimes ont été prises pour cibles après avoir été accusées d’avoir fomenté les émeutes dans le KZN. Et du côté des réseaux sociaux, personne ne rate l’occasion d’attiser un peu plus la haine raciale, dans un pays où on a toujours craint que l’histoire ne se répète.
Depuis la fin de l’apartheid, de rares conflits armés intercommunautaires ont éclaté en Afrique du Sud. Principalement à Durban, et dans le KZN en général. La région, dont le leadership est partagé entre l’Etat et la chefferie zouloue, a pourtant été stable sous le défunt souverain Goodwill Zwelithini. Mais depuis le début des émeutes ces derniers jours, et malgré les appels à l’apaisement de son fils et successeur Misuzulu, rien n’y a fait.
Les manifestations ont commencé dans le KZN à la suite de la reddition de l’ancien président Jacob Zuma. On pourrait imputer à ce dernier d’être la première raison de mobilisation, mais il s’est rendu à la police pour purger sa peine, contre toute attente. Du côté de l’opposition, au sein de l’ANC et dans la société civile, tous avaient prévenu l’Etat des conséquences du déploiement de l’armée. Là encore, Cyril Ramaphosa compte renforcer la présence des forces armées pour réinstaller l’ordre dans le pays.
South Africa damage… pic.twitter.com/7OKTlz5vyQ
— Lara Logan (@laralogan) July 16, 2021
Les conséquences de la ségrégation raciale ?
Une nouvelle guerre civile fait son apparition en Afrique du Sud, et elle oppose les populations les plus pauvres au régime. Dans de nombreux magasins du Gauteng et du KZN, des personnes âgées volent principalement de la nourriture. Pour l’opinion publique, l’erreur incombe à l’Etat, qui n’a rien fait pour empêcher, par le passé, la ségrégation raciale dans des régions où des crimes de haine sont commis. Malgré la fin de l’apartheid, par exemple, plusieurs marchés sont restés inaccessibles à la communauté noire du KZN.
Selon le bloggeur Hugo Canham, la pauvreté extrême que vivent les jeunes Noirs en Afrique du Sud est la première raison des pillages. Il estime qu’« entre 60 % et 80 % des jeunes Noirs se voient refuser l’emploi, alors que les communautés blanches et indiennes vivent dans une richesse excessive ». Il poursuit en affirmant que « les pilleurs sont ceux à qui on interdisait l’accès des mêmes supermarchés qu’ils volent aujourd’hui. Et leurs tueurs sont ceux qui leur barraient la route hier ».
Ce qui se passe en Afrique du Sud n’est pas sans rappeler la révolte de Mpondo en 1960 ou la fusillade de Langa. Les crimes de haine ne sont pas inédits en Afrique du Sud, mais leur résurgence, quarante ans après les dernières émeutes de cette envergure, ne présage rien de bon.
Who still thinks this is about #ZumaArrest doesn't live in real life. That was just the spark, the lighting of the fuse. The dynamite is INEQUALITY, POVERTY, CLASSISM, RACISM, LIVELIHOODS. this is about South Africa having failed its people not about one man going to jail pic.twitter.com/YUoAcf6lPS
— 🇸🇿 #ConsciousBlackMan 🇸🇿 (@NdabaMazwai) July 13, 2021