En refusant de répondre à la commission d’enquête sur ses années au pouvoir, l’ancien président sud-africain risque une amende, voire de la prison.
En snobant, une fois encore, la commission d’enquête qui s’intéresse à la corruption au sein du pouvoir lors de ses neuf années à la présidence de l’Afrique du Sud, Jacob Zuma s’est-il tiré une balle dans le pied ? Lundi, il avait été convoqué mais n’a pas jugé utile de venir répondre aux questions qui allaient lui être posées. Un acte loin d’être anodin : la Cour constitutionnelle elle-même avait tranché en lui imposant de témoigner.
Une semaine auparavant, le président sud-africain avait tenté de mettre un peu la pression à son prédécesseur. Si, pour Cyril Ramaphosa, Jacob Zuma a besoin « de temps et de prendre du recul pour réfléchir », le chef de l’Etat a expliqué à mots cachés que Zuma risquait gros. « C’est un sujet auquel je suis sûr qu’il va accorder beaucoup d’attention », affirmait-il.
Son silence considéré comme un « outrage à la justice »
Mais à 78 ans, Jacob Zuma est têtu. Il a donc décidé de décliner la convocation de la commission d’enquête. Jeter un œil un peu plus au nord pourrait lui permettre de savoir ce qui l’attend. En Mauritanie, dans la même situation que lui, l’ancien président Ould Abdel Aziz avait, en août dernier, été placé en garde-à-vue après, lui aussi, avoir refusé de répondre à une commission d’enquête. Il est aujourd’hui interdit de quitter le territoire et risque la prison.
L’ex-président sud-africain pourrait-il connaître le même sort ? En lui ôtant le droit de garder le silence, la Cour constitutionnelle a été claire : tout refus de comparaître sera considéré comme un « outrage à la justice ». Et Jacob Zuma risque donc, au minimum, une amende. Au pire, la prison. C’est en tout cas ce que lui prédit le président de la commission, le juge Raymond Zondo, qui va à nouveau se tourner vers la Cour constitutionnelle.
La guerre entre Jacob Zuma et le juge Zondo
En attendant que la Cour se prononce, Jacob Zuma contre-attaque. Comme son homologue en Mauritanie, il crie à la vendetta politique. Il accuse notamment le juge Zondo de s’acharner contre lui. « Sa conduite aujourd’hui renforce ma certitude qu’il a toujours cherché à me porter préjudice », affirme Zuma dans un communiqué fleuve. Il réclame également un changement de président de commission, qui serait cette fois impartial.
Une demande qui joue aussi en sa défaveur : tant que le juge Zondo sera à la tête de la commission, Zuma ne répondra pas aux questions de cette dernière. Car cela risquerait d’invalider la requête de l’ex-président, qui a demandé à un tribunal de se saisir de ce cas. Et pendant ce temps, les anciens ministres et hauts-fonctionnaires déballent tout devant la commission d’enquête. En se murant dans le silence, Jacob Zuma apparaît comme un coupable idéal. Qui pourrait bien passer par la prison avant même d’avoir répondu à toutes les questions que se posent les membres de cette commission.