La Russie a développé des armes hypersoniques. Alors que la tension monte entre l’Algérie et le Maroc, Alger consolide ses relations avec Moscou…
L’annonce date de 2018. Le président russe Vladimir Poutine évoquait alors la mise en service d’armes hypersoniques « invincibles ». Trois ans plus tard, Moscou est entrée dans une phase plus opérationnelle. Le missile de croisière Zircon a été testé à trois reprises en juillet, en octobre et ce jeudi 18 novembre. Et le moins que l’on puisse dire est que ce missile a le mérite de rendre obsolète le dispositif militaire de toutes les autres puissances militaires mondiales.Site de vente en ligne en tunisie
A vrai dire, depuis l’annonce par la Russie de la commercialisation du « Mini-Kinzhal », le missile hypersonique utilisable par les avions de chasse, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont commencé à revoir la défense de leurs alliés, au Japon et en Europe notamment.
Pour le moment, la Russie n’a vendu ces nouvelles armes qu’à la Syrie. Mais des négociations sont actuellement en cours avec l’Iran et il semble de plus en plus envisageable que le premier allié africain de la Russie, l’Algérie, acquière également des armes hypersoniques russes.
Une amitié à l’épreuve du temps
Les relations entre Moscou et Alger ne datent pas d’hier. En pleine Guerre froide, l’Algérie avait accueilli de nombreuses figures du tiers-mondisme, des militants panafricains ou de simples partisans de l’idéologie du bloc de l’Est : Amilcar Cabral, Frantz Fanon, Che Guevara, Nelson Mandela ou encore Eldridge Cleaver. Il faut aussi rappeler que le deuxième chef de l’Etat algérien, Ahmed Ben Bella, était l’un des rares non-Russes décorés de l’Etoile d’Or de l’ordre de Lénine depuis 1963.
Depuis son indépendance, l’Algérie s’est rapprochée de la Russie, et cette relation n’a jamais connu de bas. Outre les intérêts diplomatiques communs et l’idéologie « gagnant-gagnant » portée par les deux Etats, ainsi qu’un désamour séculaire pour l’Occident, Algérie et Moscou sont devenus au fil du temps de réels partenaires.
Un partenariat qui touche d’ailleurs à plusieurs secteurs : aéronautique, aérospatiale, culture, éducation, commerce, hydrocarbures, coopération militaire… La Russie organise chaque année les Journées de l’Algérie à Moscou et à Saint-Pétersbourg, et le pays nord-africain accueille de son côté les Journées de la culture russe dans ses trois villes majeures depuis une décennie.
Une coopération militaire, mais pas seulement
C’est surtout depuis 2001 que la coopération militaire entre l’Algérie et la Russie a franchi un cap, s’appuyant sur les liens d’amitié de longue date entre les deux pays.
En 2006, le président russe Vladimir Poutine avait effacé la dette algérienne estimée à 4,7 milliards de dollars. Les échanges commerciaux, qui plafonnaient à 200 millions de dollars en 2000, dépassent aujourd’hui les 5 milliards de dollars. En 2018, plus des deux-tiers des armes algériennes provenaient de Russie.
Surtout, depuis 2007, l’alliance entre l’entreprise russe Gazprom et la major africaine Sonatrach a bouleversé le marché gazier mondial. « Vers l’OPEP du gaz », annonçait Roman Kupchinsky. Et pour cause : l’alliance gazière algéro-russe fournit aujourd’hui plus de 27 % de son gaz à l’Europe et contrôle en majeure partie les prix du gaz naturel.
Cerise sur le gâteau : les revenus du gaz algérien ont été multipliés par deux et représentent, pour la Russie, plus de 11 % de son PIB et 8 % de ses exportations.
Un pacte solide dans un monde qui bouge
Côté diplomatique, l’Algérie et la Russie font souvent front, surtout en ce qui concerne les dossiers africains. De quoi conforter Alger, dont la politique diplomatique a été revue ces trois dernières années, notamment avec le retour au premier rang du ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra.
Ce dernier a relancé plusieurs projets africains datant de 2015, de la Transsaharienne à l’Accord d’Alger, en passant par la lutte antiterroriste au Sahel ou la recherche d’une solution africaine au dossier libyen. Là où Alger intervient, la Russie n’est pas loin. On l’a d’ailleurs vu au Mali ou avec la montée des tensions entre la France et les pays africains francophones.
Parallèlement, une course à l’armement a débuté, notamment à cause des relations qui se dégradent d’année en année entre les deux voisins nord-africains, l’Algérie et le Maroc. En cause, le conflit sahraoui et la normalisation des relations entre le royaume chérifien et israël. Et bien que la supériorité militaire algérienne soit indiscutable, et que le conflit entre les deux Etats reste très hypothétique, la dissuasion militaire reste importante. Pour le Maroc comme pour l’Algérie, se munir des dernières technologies militaires est une étape cruciale en pleine guerre froide nord-africaine.
Le rôle de la Russie dans le conflit Algérie-Maroc
Si le Maroc peut compter sur la France et Israël, l’Algérie, elle, s’est tournée vers son alliée de toujours, la Russie, pour renforcer son arsenal. Après les derniers incendies dans l’est algérien, Alger a promptement acheté le module de la Beriev russe pour tous ses avions militaires, permettant de les transformer en Canadairs en puissance, pour à peine 20 % du coût d’un avion bombardier d’eau occidental.
Dans le secteur de la cyberdéfense, l’Algérie compte sur la technologie russe depuis des années. Et depuis le scandale Pegasus, ce volet de la coopération sécuritaire prend davantage d’importance. « Etant donné que la Russie est le premier partenaire militaire de l’Algérie, une collaboration avec ce pays serait nécessaire pour lancer le développement de ce genre de technologies, dont celles du cryptage électronique, avant que les ingénieurs algériens ne se mettent à développer leurs propres outils en y associant les universités », affirme le docteur Mohamed Salah Djemal, spécialiste de sécurité en Afrique au Centre européen des études de contreterrorisme (ECCI).
Pour ce qui est des drones et des technologies de pointe, l’Algérie, comme le Maroc, a récemment conclu des accords avec la Turquie et les Etats-Unis, qui préfèrent rester en marge du conflit entre voisins.
Mais avec l’arrivée sur le marché des armes hypersoniques, la Russie a pris un coup d’avance. Un avantage, par ricochets, pour l’Algérie qui pourrait bien devenir le premier allié africain de Moscou à obtenir ces armes.