Alors que le Nigeria et le Kenya refusent de signer l’accord sur la réforme du système fiscal international, Abuja explique les raisons de son choix.
Une taxe de 25 % sur les surprofits pour les entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 26 milliards de dollars et une redistribution des recettes entre les pays en développement dans lesquels ces multinationations ont une activité… Voilà, en substance, l’une des mesures de la réforme du système fiscal dont l’accord a été signé en octobre 2021 par 136 pays — sur 140. Parmi les pays qui n’ont jamais signé l’accord : le Kenya ou encore le Nigeria.
Il faut dire que derrière la volonté de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) de faire régner une certaine « justice sociale », les critiques ont fusé. « Après des années de travaux et de négociations intenses, ce paquet de mesures historique garantira que les grandes entreprises multinationales paient leur juste part d’impôts partout dans le monde », estime de son côté le secrétaire général de l’OCDE, Mathias Cormann.
Mais dans les faits, les pays africains doutent de l’efficacité de la mesure. Même si l’évasion fiscale, notamment de la part des multinationales, fait perdre chaque année au continent entre 30 et 60 milliards de dollars, les dirigeants doutent du bien-fondé de la réforme. Car les multinationales utilisent généralement des filiales, qui permettent d’éviter aux bénéfices d’apparaître dans les comptabilités.
Les recettes réservées aux pays riches ?
Une optimisation fiscale qui risque donc de ne pas changer. Pire, selon la ministre nigériane des Finances, Zainab Shamsuna Ahmed, cette réforme « sert les intérêts des pays riches » et « pourrait même nuire aux recettes fiscales des pays en développement ». Le Nigeria estime que « les négociations n’ont pas été menées sur un pied d’égalité » et qu’« elles ont favorisé les économies riches et créé des règles trop complexes pour que le Nigeria puisse les mettre en œuvre efficacement ».
Pour le Nigeria, comme pour le Kenya, signer l’accord reviendrait à ne plus « percevoir d’impôts auprès des entreprises de taille moyenne, alors que nos propres lois nous permettent de le faire ». Des propos contredits par Mathias Cormann, qui rappelle cependant que la réforme est loin d’être parfaite.
Les critiques sont en effet plutôt nombreuses. Des experts se demandent pourquoi certains secteurs — comme l’extraction de matières premières, les services financiers réglementés ou le transport maritime international — ne sont pas concernées.
Parmi les plus virulents opposants à la réforme, le prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz, qui affirme que celle-ci « ne s’adresse pas assez aux inquiétudes des pays en développement et des pays émergents ». L’ONG Oxfam assure que 60 % des recettes de l’impôt minimum seront en effet captées par… les pays du G7, quand les pays en développement se contenteront de 3 % seulement des recettes.