Discutée à l’Assemblée congolaise, la proposition de loi sur la « congolité » est au cœur d’une vive polémique. Les observateurs craignent des conséquences désastreuses.
En République démocratique du Congo, la proposition de loi sur la « congolité » fait polémique depuis deux ans. Le texte stipule que l’accès aux fonctions de président et autres fonctions régaliennes sera exclusivement réservé aux Congolais n’ayant pas de parent étranger. De quoi relancer le débat sur la nationalité. Et inquiéter. La cheffe de la Mission des nations unies en RDC (Monusco), Bintou Keïta, estime que ce texte de loi pourrait, s’il est voté, avoir des « conséquences potentiellement dangereuses ».
Portée par Noël Tshiani, la proposition de loi sur la « congolité » pourrait dans un premier temps permettre à Félix Tshisekedi d’écarter des adversaires lors de la prochaine présidentielle. Notamment Moïse Katumbi. Mais surtout, d’autres exemples en Afrique font craindre le pire : la loi sur la « congolité » pourrait provoquer une terrible dérive xénophobe.
Ce ne sont pas les Ivoiriens qui diront le contraire : l’« ivoirité » a provoqué, pendant près d’une décennie, au début des années 2000, des violences liée à ce concept apparu au siècle dernier. Mais c’est Henri Konan Bédié qui l’a, en 1994, remis au goût du jour. En pleine crise économique, la Côte d’Ivoire a rapidement basculé dans la xénophobie, mettant à la marge des travailleurs burkinabés ou encore maliens.
Pourtant, comme la « congolité », l’« ivoirité » était un concept positif. « En théorie, il ne s’agissait pas là de xénophobie naissante, mais bien d’encourager une nouvelle sensibilité nationale, distincte du sentiment d’appartenance ethnique traditionnelle et devant correspondre à un nouveau palier identitaire, celui de l’Etat-nation, reconnu depuis 1960 par la communauté internationale sous le nom de Côte-d’Ivoire », résume François Gaulme. Mais dans les faits, la xénophobie s’est développée, avec le rejet de plus en plus marqué des musulmans et des gens du Nord.
La RDC est prévenue. « Cette proposition de loi instaurera une division entre les Congolais qui seront nés d’un père et d’une mère congolais et les autres. C’est une violation flagrante de la Constitution. En effet, celle-ci, dans sa lettre et son esprit, insiste sur l’égalité entre tous les Congolais et interdit toute forme de discrimination entre ces derniers », prévient ainsi le politologue Jean-Claude Mputu.