Un peu plus d’un mois après le coup d’Etat en Guinée, Alpha Condé est toujours entre les mains de la junte militaire. Son cas ne semble pas préoccuper la communauté internationale.
Il croupit vraisemblablement toujours dans l’antenne des forces spéciales autrefois dédiée à son bourreau, le lieutenant-colonel Mamadi Doumbouya. Là où la plupart des présidents déchus réussissent généralement à trouver un point de chute ou finissent écroués, Alpha Condé est actuellement entre deux eaux. L’ancien président guinéen semble en effet être totalement laissé à l’abandon par une communauté internationale qui avait pourtant, le jour du coup d’Etat du 5 septembre dernier, condamné de façon unanime le putsch et demandé la libération immédiate du président déchu.
Depuis, certains chefs d’Etat et Premiers ministres ont tenté de discuter avec Mamadi Doumbouya. A l’instar d’Alassane Ouattara, qui a décidé d’être le premier président de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) à négocier avec la junte militaire guinéenne. Le 10 septembre, soit cinq jours après le putsch, une mission de cette même Cedeao, composée de plusieurs ministres des Affaires étrangères, s’était rendue en Guinée et avait pu rencontrer Alpha Condé, qui « allait bien ». Depuis, c’est silence radio et plus personne ne semble guère s’émouvoir de l’ancien président guinéen.
Le parti d’Alpha Condé abandonne son leader
Ce dernier n’a pas rendu la tâche facile à ses geôliers, préférant refuser de signer la démission que la junte militaire réclamait. S’il avait paraphé le fameux document, Condé serait certainement aujourd’hui en liberté, comme Ibrahim Boubacar Keïta au Mali. Mais, têtu, le chef de l’Etat guinéen n’accepte pas les conditions des hommes de Doumbouya, qui lui ont demandé de se retirer de la politique et de ne faire aucune déclaration pour le restant de ses jours. Or, Condé préfère mourir que d’accepter un tel marché. Difficile, de plus, de compter sur ses opposants, à qui il en a fait voir de toutes les couleurs.
Ses partisans le savent et ils n’ont d’ailleurs pas montré plus d’envie que leur ex-chef de file de régler le cas Alpha Condé. Lors d’un dialogue entre la junte militaire et la société civile et politique, le parti de Condé, le Rassemblement du peuple de Guinée, a accepté l’invitation de Mamadi Doumbouya. Un abandon en bonne et due forme d’Alpha Condé, qui sait désormais qu’il ne pourra plus compter sur une mobilisation en interne. Le RPG veut encore jouer un rôle politique et ne semble pas enclin à mettre ses forces dans une bataille qui n’aurait, pour conséquence, que de mettre en lumière les anciens alliés d’Alpha Condé.
La liberté ou la prison
A l’international également, le silence prédomine. A l’exception d’une voix, celle de l’ancien président sénégalais, Abdoulaye Wade, qui a certainement tenté de jouer un mauvais tour à Macky Sall en proposant qu’Alpha Condé s’installe au Sénégal. Wade lui a proposé d’occuper sa maison à Dakar, sachant pourtant que le président sénégalais actuel n’était pas en bons termes avec son ex-homologue guinéen. De plus, le Sénégal a déjà dû gérer des polémiques après avoir accueilli Hissène Habré, l’ancien dictateur tchadien, dans les années 1990. Difficile d’imaginer un pays de la Cedeao accueillir aujourd’hui un Alpha Condé libre.
L’arrivée d’un futur gouvernement, dont le chef a déjà été désigné, pourra-t-elle permettre de sceller le sort d’Alpha Condé ? L’ancien président voit se dessiner trois options : une libération s’il finit par accepter de se mettre en retrait de la vie politique, un départ libre dans un autre pays ou la prison. Si des enquêtes sont diligentées sur les mandats d’Alpha Condé et que ce dernier est accusé de crimes graves, il pourrait également être inquiété par la Cour pénale internationale. D’autant que la Guinée est un Etat partie de la juridiction internationale et du Statut de Rome. Dans tous les cas, Alpha Condé devra se résigner à ne pas revenir aux affaires, la communauté internationale n’ayant finalement pas haussé le ton très longtemps contre la Guinée.