La reprise de Mekele, capitale du Tigré, par les rebelles du FLPT, devait pousser le gouvernement et les rebelles aux pourparlers. Il semble cependant que ni l’Ethiopie, ni le FLPT ne soient prêts à négocier.
L’escalade des provocations et de la violence au Tigré ne s’arrête pas. Malgré la reprise de Mekele par le Front de libération du peuple du Tigré (FLPT) et l’annonce d’un cessez-le-feu par le gouvernement éthiopien. Les deux parties ont continué à se provoquer mutuellement et la violence a repris de plus belle depuis mercredi.
Du côté rebelle, le FLPT a continué à pourchasser les forces Amhara en retraite, les repoussant jusqu’à la rivière Tekeze. Des centaines de soldats amharas ont été tués, blessés ou capturés. En contrepartie, l’aviation éthiopienne a bombardé le pont sur le Tekeze. Ainsi, les troupes fédérales et tigréennes se sont retrouvées séparées par cette frontière naturelle entre Amhara et le Tigré.
Au niveau diplomatique, le cessez-le-feu annoncé par Addis-Abeba a été reçu avec beaucoup de dédain par les chefs du FLPT. Le porte-parole des rebelles, Getachew Reda, a déclaré que la trêve proposée par le gouvernement éthiopien était « une blague ». Il a aussi annoncé l’intention du FLPT de continuer les combats jusqu’à ce que « tout le Tigré soit libéré ».
La communauté internationale, en particulier l’ONU, l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis, ont essayé d’organiser des discussions entre les deux parties. Or, le général éthiopien Bacha Debele a déclaré que le Tigré était « un problème souverain ». Il a aussi affirmé : « Le gouvernement est prêt à reprendre Mekele s’il le souhaitait. Mais il a d’autres priorités ».
Des interlocuteurs têtus, et la menace de la guerre dans la sous-région
Une déclaration incendiaire de la part du général éthiopien. Qui a provoqué de nouvelles attaques du FLPT dans la soirée du jeudi. Cette hostilité a été aggravée par les explications du gouvernement. En effet, le porte-parole du gouvernement éthiopien, Redwan Hussein, a déclaré : « l’Ethiopie est exposée aux attaques des pays étrangers. C’est notre priorité. L’insurrection du Tigré viendra ensuite ».
Dans cette dernière déclaration, le gouvernement d’Abiy Ahmed fait référence au Soudan. Effectivement, des mercenaires soudanais avaient appuyé l’offensive du FLPT sur Mekele. Ce qui vient se superposer à la guerre civile.
Néanmoins, le bombardement du pont de Tekeze est un problème pour le FLPT. Si la reprise de Mekele devait faciliter la réception d’aides humanitaires occidentales pour les Tigréens affamés, la destruction du pont isolerait le Tigré pendant plusieurs jours. Elle signifie aussi le retour de l’Ethiopie sur son cessez-le-feu après la dénonciation de Getachew Reda. Puis, les accusations de Hussein vis-à-vis du Soudan sonne le glas des discussions entre le front éthiopien et égyptien sur fond de la crise du Barrage de la renaissance (GERD).
William Davidson, du ICG, a dénoncé l’escalade des violences. Il considère que le gouvernement est en mesure d’imposer le cessez-le-feu, même si le FLPT n’est pas ouvert à la proposition. « S’il ne le fait pas, ça ne fera qu’exacerber les tensions entre l’Ethiopie et les puissances internationales », a déclaré le chercheur.
Cependant, le contexte est très dangereux. Si aucune des parties ne fait de concessions, les centaines de milliers de Tigréens menacés par la famine seront les premiers à périr. De plus, l’escalade entre l’Ethiopie et le Soudan pourrait initier un cycle de violence que ni les pays impliqués, ni l’Occident, ne pourraient contenir.