Six candidats sont en lice pour la présidentielle gambienne du 4 décembre prochain. Un véritable test pour le président sortant, Adama Barrow, favori et fort de son bilan.
Cela fait cinq ans que la population gambienne a réussi à en terminer avec le dictateur Yahya Jammeh, qui a régné sans partage pendant plus de vingt ans sur ce petit pays de 2,5 millions d’habitants. Sous la pression des pays de la Cedeao, notamment le Sénégal et le Nigéria, Jammeh avait dû laisser sa place au vainqueur de l’élection de 2016, Adama Barrow.
Depuis, malgré la paralysie des institutions et l’insuffisance des recettes de l’Etat pour lancer des projets de développement de grande envergure, le pays a réussi à devenir démocratique. Le président Barrow a, lui, lancé de grands travaux d’infrastructure et conclu plusieurs accords commerciaux avec les pays voisins. Le pays s’est aussi ouvert à de nouvelles alliances, avec les dernières en date : celles avec la Chine et l’Inde.
Au niveau politique, le pays a considérablement évolué : plus de 18 partis sont actuellement en activité. Et pour la présidentielle du 4 décembre prochain, six candidats ont été retenus par la Commission électorale indépendante (CEI). Parmi eux, l’ancien ami et allié d’Adama Barrow, Ousainou Darboe, du Parti démocratique unifié (UDP), ainsi que l’ancien allié de Jammeh, Mamma Kandeh, du Congrès démocratique gambien (GDC).
De son côté, le président gambien a créé son propre parti en décembre 2019, le Parti national du peuple (NPP), après sa rupture avec la coalition UDP. Le NPP a réussi, en un temps record, à obtenir un soutien populaire important. En effet, depuis le désaccord entre Barrow et l’UDP de Darboe, le président gambien a cherché à s’ouvrir politiquement. Et l’annonce de la candidature de Barrow montre une chose, c’est que le NPP sait mobiliser. Du côté de l’ancien allié, désormais opposant, la popularité du président sortant surprend et inquiète.
Darboe, l’opportuniste
Le mois dernier, Adama Barrow a fait un pas pour élargir sa base de soutien, en annonçant par le biais du NPP, une alliance avec l’ancien parti de Jammeh, l’APRC. Une annonce qui a provoqué des remous et beaucoup d’émotion, alors que les victimes de l’ancien dictateur attendent d’obtenir justice pour les exactions commises par ses escouades de la mort.
Une alliance qui est cependant conditionnée : comme nous le révèle une source gouvernementale, l’alliance du NPP et de l’APRC ne comporte aucunement une intention quelconque de gracier Jammeh. Ce dernier a d’ailleurs annoncé haut et fort qu’il ne soutenait pas cette alliance.
Cette alliance de la carpe et du lapin a été largement exploitée par les militants de Darboe. Et l’UDP en a fait son cheval de bataille pour sa campagne. Cependant, plusieurs observateurs estiment que le vieil opposant de 73 ans ne fait que jouer sa dernière carte pour s’accaparer le pouvoir en Gambie. Un câble américain, daté de 2006, expliquait que Darboe n’était pas différent de Jammeh. Darboe « donne parfois l’impression qu’il veut la présidence non pas pour ce qu’il peut faire pour la Gambie mais pour ce qu’être président de la Gambie peut faire pour lui », écrivaient les Etats-Unis.
Le Bilan positif d’Adama Barrow
Dans le camp du NPP, le jeune parti d’Adama Barrow, les espoirs reposent sur le bilan du président. En à peine trois ans, Barrow a réussi à faire oublier 22 années d’isolation diplomatique du pays. La Gambie a revu ses relations avec les pays voisins, notamment le Sénégal et la Guinée-Bissau. Puis, en février 2018, la Gambie a adhéré à nouveau au Commonwealth.
En 2019, Adama Barrow a fait de l’éducation et l’infrastructure ses objectifs prioritaires. Une campagne d’électrification du pays a alors été lancée, et les installations ont été construites à Brikama Ba dans l’Est de la Gambie. Les programmes scolaires ont été revisités et des centaines de professeurs recrutés par l’Etat.
Au niveau de l’infrastructure, l’Etat a lancé la construction de cinq routes majeures, qui font défaut au pays qui repose grandement sur le tourisme, aux alentours de Serrekunda et Banjul, dans l’ouest. En 2020, le gouvernement gambien a conclu des dizaines d’accords de partenariat public-privé (PPP), notamment dans les domaines de l’assainissement des eaux, l’agriculture et le tourisme.
Sur le plan diplomatique, le retour à la normale des relations de la Gambie avec plusieurs pays du Golfe arabe, de l’Asie et d’Afrique a permis de redynamiser le pays.
Fort de ce bilan, Adama Barrow a, malgré la scission au sein de sa coalition parlementaire et les autres remous politiques, de fortes chances d’être réélu. Selon des sondages effectués au milieu de l’année, il ne devrait pas être inquiété par ses concurrents.