Après la guerre du Kippour, en 1973, les Etats africains ont décidé d’un commun accord de suspendre leurs relations avec Israël. Récit d’une guerre aussi bien militaire que diplomatique.
Nous sommes au début des années 1970. Israël dispose alors d’une trentaine d’ambassades sur tout le continent africain. Il faut dire que Golda Meir a longtemps misé sur le continent. Le 20 février 1958, l’AFP annonce que la ministre israélienne des Affaires étrangères compte se rendre dans les territoires de l’Afrique Occidentale française (A.-O.F.), mais également au Ghana, au Libéria et au Nigeria. Au travers du Mashav, son agence pour la coopération internationale et le développement, Israël s’intéresse grandement au continent africain. Devenue Premier ministre d’Israël en 1969, Golda Meir ne perdra jamais de vue l’Afrique. Sept ans avant de prendre la primature, la ministre avait même fait condamner le régime sud-africain de l’apartheid en 1962, aux Nations unies. Une ironie du sort lorsque l’on connaît la position actuelle de Pretoria concernant la Palestine.
Quoi qu’il en soit, la relation forte entre l’Etat hébreu et l’Afrique a eu une conséquence : jusqu’à la fin des années 1960, les relations entre Palestiniens et Africains ont été quasi inexistantes. Un désintérêt qui poussa tout un continent dans les bras d’Israël. C’est le Ghana, dirigé par le Premier ministre Kwame Nkrumah, qui devint ensuite président, qui entama le premier des discussions avec l’Etat hébreu. Un consulat israélien fut même créé au Ghana en 1956, avant l’indépendance. C’est Israël qui, trois ans plus tard, supervisa la création de l’armée de l’air ghanéenne. Après le renversement de Nkrumah, Israël arrêta sa coopération militaire avec le Ghana, mais plusieurs domaines restèrent réservés aux entreprises de l’Etat hébreu. Le Ghana fut suivi par d’autres pays africains. « Au milieu des années 1960, une bonne quarantaine de nations africaines entretenaient avec Israël des échanges dans les domaines agricole et militaire, et bénéficiaient de bourses pour leurs étudiants », résume Jean-Baptiste Onana, auteur de « L’Afrique, les Palestiniens et Israël : système à double entente ».
La Ligue arabe, l’Organisation de l’unité africaine et Israël
Après une dizaine d’années de relations cordiales, voire très amicales, les pays africains et Israël se séparèrent, en très mauvais termes après la guerre du Kippour. Mais le feu couvait bien avant 1973. En effet, nous sommes en juin 1967, et l’Egypte, la Syrie et la Jordanie sont battues par Israël en seulement six jours. Alors que les Egyptiens veulent leur revanche sur l’Etat hébreu, le président Anouar el-Sadate tente de s’adjuger les services de plusieurs pays africains. En février 1972, le chef d’état-major égyptien, le général Shazly, voyage en Libye, en Algérie et au Maroc. Au lendemain de la guerre du Kippour, et alors que l’Organisation de l’unité africaine (OUA) tient son sommet en juin 1974, le continent revoit, sous la pression de Sadate, sa position vis-à-vis de l’Etat hébreu. Et tous les Etats africains qui entretenaient des relations diplomatiques et économiques avec Israël les rompent sans attendre, à l’exception du Malawi, du Lesotho et du Swaziland.
Après ces événements, les Etats-Unis mettront tout en œuvre pour maintenir la paix, très précaire, entre l’Egypte et Israël. Washington négociera le retrait des forces israéliennes de la rive ouest du canal de Suez, via l’accord du Sinaï. Petit à petit, Israël démilitarise la région est du Sinaï. Mais l’OUA n’apprécie pas franchement ce réchauffement des relations israélo-égyptiennes. Les pays africains condamnent d’ailleurs le raid israélien d’Entebbe, en Ouganda, en 1976. De son côté, l’Etat hébreu est persuadé que les membres de l’OUA ont, au moment de la guerre de Kippour, été mis sous pression par la Ligue arabe pour voter la résolution contre Israël. Année après année, les relations entre Israël et l’Afrique se réchaufferont, jusqu’à l’organisation, finalement avortée, d’un sommet Afrique-Israël en 2017. Et la reconnaissance, par certains Etats africains, de Jérusalem comme capitale d’Israël.