La CAN donne l’occasion d’améliorer les équipements déjà existants, qui sont généralement rénovés pour la circonstance.
Malgré l’incertitude concernant de possibles retombées macro-économiques d’une compétition sportive continentale, les pays organisateurs doivent réaliser d’importants investissements infrastructurels. Des stades, en passant par les réseaux de transport, les hôpitaux, les moyens de télécommunications, etc., la réalisation de telles actions suscite d’importantes interrogations en rapport avec leur efficacité.
La mise en oeuvre de ces investissements remet au bout du jour le débat sur l’opportunité de la dépense publique et les retombées attendues d’une compétition comme la Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football pour le pays organisateur.
Après la CAN 2021 de football au Cameroun, celle en cours en Côte d’Ivoire me donne l’occasion de présenter de manière prospective quelques retombées espérées par le pays organisateur.
Chercheur en management et économie et du sport, je vais évoquer ici des exemples clés qui illustrent l’opportunité pour un pays organisateur, de consacrer d’importants moyens financiers à la préparation d’une compétition comme la CAN. Parmi ces opportunités : les infrastructures pour les championnats locaux, la professionnalisation des clubs, les contrats juteux pour les entreprises et la promotion du tourisme.
Les infrastructures pour les championnats locaux
La préparation aux compétitions sportives nécessite la construction d’infrastructures générales et sportives. Dans les pays en voie de développement, comme c’est le cas dans la majorité des États africains, la presque totalité des clubs ne peut aisément construire des équipements dignes de ce nom. L’Etat joue donc ce rôle à deux niveaux : au niveau général (routes, transport, énergie, communication, touristiques, etc.), et au niveau sportif (stades, etc.).
Ces infrastructures peuvent rendre le pays attractif et renforcer son image de marque par l’amélioration de la qualité de vie des citoyens. De plus, la CAN donne l’occasion d’améliorer les équipements déjà existants, lesquels sont généralement rénovés pour la circonstance. C’était, par exemple, le cas au Cameroun avec la construction des stades d’Olembe à Yaoundé (60 000 places), et de Japoma à Douala (50 000 places), de nouvelles routes et la rénovation des aéroports en prélude à la CAN 2021.
En Côte d’Ivoire, il y a le stade Olympique Alaasane Ouattara d’Ebimpe d’une capacité de 60 000 places et situé au Nord d’Abidjan. Après sa construction, il est devenu le stade le plus grand du pays en ce moment. C’est un peu plus de 218 milliards FCFA pour Olémbé et 160 milliards FCFA (349 millions USD) pour Japoma, qui ont été mobilisés pour la construction des ces infrastructures.
Quant au stade d’Ebimpé au Nord d’Abidjan, son coût est estimé à près de 90 milliards de francs (148 millions USD). Les disparités entre ces coûts, pour des stades de dimensions identiques, amènent à questionner leur opportunité au Cameroun par rapport à la Côte d’Ivoire. Leurs impact sur le budget des Etats sont importants au vu des priorités du moment qui sont l’énergie, l’eau et l’accès aux soins de santé.
Le débat sur l’opportunité de ces dépenses va dans tous les sens : de la société civile aux ONG, en passant par les partis politiques. Alors que certains y voient une opportunité de relancer les économies, d’autres avancent des dépenses inopportunes et non performantes. Certains observateurs y voient des poches de détournement créées à travers les emprunts colossaux contractés par les Etats pour ces travaux, mais qui seront remboursés par les futures générations.
La professionnalisation des championnats
L’accueil d’une compétition comme la CAN peut créer une émulation qui accélère la professionnalisation des championnats de football du pays organisateur. Cette professionnalisation répond à une instruction de la Confédération africaine de football (CAF) et de la FIFA. Mais l’accueil des compétitions internationales peut également jouer un rôle d’accélération dans ce sens.
C’est par exemple le cas de plusieurs pays qui ont accueilli la CAN ces dix dernières années, et qui ont vu le développement de leurs compétitions locales s’accélérer juste après. Au Cameroun par exemple, l’effervescence autour de la CAN 2021 est palpable. Elle a un impact direct sur les championnats locaux. La compétition a eu un impact sur les infrastructures dans lesquelles se disputent les matchs.
Dans cette mouvance, la Fédération camerounaise de football a décidé d’augmenter les subventions allouées aux clubs et de primer les meilleurs de la saison comme cela se passe partout en Europe. Des Indemnités de transfert sont désormais payées par les clubs professionnels aux clubs amateurs avec des quotas minimum. Chaque club a l’obligation d’avoir des équipes dans toutes les catégories et de créer des équipes féminines.
Les awards du football camerounais, qui en étaient à leur deuxième édition en 2023, désignent les meilleurs joueurs de la saison. Ils se déroulent désormais chaque année. Cet évènement permet aux joueurs de se sentir pris en compte, motivés, et développe en eux une remise en question permanente qui est une clé pour le professionnalisme du sport.
Des contrats pour les entreprises
Des stades aux routes, en passant par les hôpitaux et les hôtels, les travaux préparatifs d’une compétition sportive comme la CAN, sont menés pas l’Etat. A ce titre, l’attribution de ces travaux aux entreprises se fait sous forme de marchés publics au travers de contrats publics. Ces contrats peuvent être attribués à des entreprises publiques ou privées, nationales ou internationales implantées localement.
Malgré les difficultés observées dans le suivi d’importants projets en Afrique (de 163 à 218 milliards de dépenses pour le stade d’Olembe, et de 140 à près de 200 milliards pour celui de Japoma. Des délais d’exécutions largement supérieurs aux prévisions), les ressources que procurent ces marchés donnent à ces entreprises d’importants moyens financiers pour faire face à leurs dépenses. Grâce à ces contrats, les entreprises adjudicataires offrent de nouveaux emplois aux populations qu’elles rémunèrent avec ces fonds supplémentaires.
A titre d’exemple, la construction des stades de San Pedro et de Korhogo, en Côte d’Ivoire, a été attribuée à des compagnies chinoises, juxtaposées à des groupes locaux. L’Ivoirien PFO Africa a obtenu un contrat dans l’amélioration du réseau routier, et une filiale du Français Vinci, s’est vu attribuer la construction du stade de Yamoussoukro.
Pour ce qui est de la communication, la restauration et l’organisation des “fans zones”, les contrats ont été attribués au Nigerian Insight Redefini et au Françapis Publicis.
Selon le cabnet Roland Berger, l’édition 2019 de la CAN à laquelle ont 24 nations ont pris part pour la première fois, la prime de victoire finale est passée de 3,5 millions de dollars (2017, Cameroun vainqueur) à 4,5 millions de dollars (2019, Algérie vainqueur).
De plus, ce cabinet avance cette compétition aurait généré 100 000 emplois et un impact économique de 2,7 milliards de dollars en Egypte, pays organisateur de 2019 à 2026. Cette édition de 2019, qui a généré plus de 83 millions de dollars, a rapporté plus que celle de 2017 en Guinée équatoriale et au Gabon, et celle de 2015 en Afrique du Sud.
Il faut souligner que la préparation aux compétitions sportives est généralement émallée de soupçons tant dans l’obtention des contrats, que sur le déroulement des matchs. Sont pointés du doigt les arbitres, les commissions de passations des marchés et toutes personnes et structures liées à la préparation et au déroulement de ces compétitions. C’est le cas du scandale de la construction du stade d’Olembé, avec l’entreprise Magil Construction Corporation où des grèves d’employés ont été régulièrement observées pour non paiement des salaires. Alors que les acomptes ont été régulièrement payés à la dite compagnie.
La promotion du tourisme
Les pays africains doivent accentuer les investissements visant à développer le tourisme local. Ce type d’investissement vise comme nous l’avons dit plus haut, à accroître l’attractivité du pays, et par la même occasion profiter de la CAN qui est une vitrine mondiale, pour attirer les touristes et les investisseurs.
Dans ce registre, en 2019, les recettes de tourisme ont augmenté de 30 % grâce à la CAN en Egypte.
Pour surfer dans ce sens, à la CAN 2023 en 2024, la Compagnie nationale ivoirienne de transport, qui est le transporteur officiel de la CAN, est aussi l’un des sponsors de la compétition, développe cette connexion automatique qui devrait exister entre les entreprises touristiques et de transport.
Roland Hermann BIOÑOMO, Enseignant-Chercheur, Université de Yaoundé II
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.