Le président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré, a nommé le diplomate Lassina Zerbo Premier ministre. Il aura pour objectif de combattre le terrorisme.
Sous les feux de la critique depuis plusieurs mois, le président du Burkina Faso multiplie les remaniements ministériels. Après avoir nommé de nouveaux ministres de la Défense et de l’Intérieur, c’est le Premier ministre Christophe Dabiré qui a été débarqué.
Le 10 décembre dernier, il a été remplacé par un diplomate, plus connu en Occident qu’en Afrique. L’ancien secrétaire exécutif de l’Organisation du traité d’interdiction complète des essais nucléaires (OTICE) est un scientifique, mais également un responsable onusien. Le nouveau Premier ministre burkinabé a passé, tout au plus, quelques semaines dans son pays depuis trois décennies.
C’est à se demander si la nomination de Lassina Zerbo a réellement été le choix du chef de l’Etat. Depuis sa réélection en 2020, Kaboré a enregistré quelques succès contre le terrorisme. Malgré la réussite de quelques opérations militaires, les derniers mois ont été difficiles pour les Burkinabés. Le pays a connu une trentaine d’attentats meurtriers depuis avril. Tant et si bien que les civils manifestent depuis juillet, demandant la démission du président.
Kaboré avait réussi à passer entre les gouttes de la contestation en prônant la réconciliation politique depuis le début de son second mandat. Il avait ramené son éternel rival Zephirin Diabré au sein de son gouvernement, en tant que ministre de la Réconciliation nationale. Mais le président burkinabé s’est ainsi mis la France à dos. S’en suivit une série de décisions souveraines de l’Etat burkinabé : le début des pourparlers avec les djihadistes, le démantèlement de l’empire Bolloré au Burkina Faso ou encore l’arrêt des activités du site du Commandement des opérations spéciales (COS) de Barkhane à Ouagadougou.
Un divorce entre Kaboré et Paris qui a, en parallèle, correspondu au retour de la menace terroriste au Burkina Faso.
Roch Marc Christian Kaboré isolé
Aucun lien de cause à conséquence n’est établi. Mais force est de constater que le président burkinabé n’y arrive pas seul. Du côté des pays voisins, les promesses de coopération militaire n’ont pas abouti. Pourtant, le Burkina Faso, lui, est engagé militairement au Mali et au Niger. Durant le premier semestre de cette année, Kaboré a semblé abandonné par tous, de Faure Gnassingbé à Alassane Ouattara, en passant par Patrice Talon et même son allié le plus proche, Nana Akufo-Addo.
De quoi s’interroger : de quoi cet isolement africain du Burkina Faso est-il le nom ? A chaque attentat terroriste, c’est un responsable français qui atterrit à Ouagadougou. De Jean-Yves Le Drian à Florence Parly, en passant par Bernard Emié, à chaque fois que le pays est en deuil, Kaboré est derrière un pupitre avec un haut responsable français.
Kaboré rejette-t-il la faute sur ses ministres ?
Et le passage d’un convoi militaire de Barkhane sur le territoire burkinabé a davantage attisé les tensions. On compte trois morts parmi les manifestants qui, en signe de protestation contre la présence française, ont bloqué le passage du convoi. L’armée burkinabé, elle, s’est rangée du côté des militaires français. Et, finalement, la route du convoi de Barkhane a été forcée. Le prix ? Le sang de plusieurs civils burkinabés.
A côté de cela, l’économie du pays peine à démarrer, la crise sanitaire se poursuit, le chômage augmente… Des épisodes qui s’ajoutent au manque d’investissements, au tribalisme rampant, à la dégradation des droits de la femme… toutes les raisons semblent bonnes pour critiquer la gouvernance de Kaboré. Si le président du Burkina est plein de bonne volonté, il ne fait rien pour rattraper une situation sécuritaire, sociale et politique dégradée. Et le remaniement ministériel, quand bien même nécessaire, ressemble plus à un ruissellement de responsabilités. Car, faut-il le souligner, Roch Marc Christian Kaboré semble bien peu enclin à résoudre la crise sécuritaire.
L’inefficacité des forces de sécurité au Burkina Faso
Néanmoins, la menace qui pèse sur le Burkina Faso est terrible et continue. L’est du pays est devenu un territoire de nombreux groupes terroristes : le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et l’Etat islamique dans le Grand Sahara (EIGS). Une menace qui s’étend sur tout le Sahel, mais qui opère librement au Burkina Faso et au Niger.
Lors de l’attentat de Solhan du 4 juin dernier, 162 morts ont été décomptés. Mais ce qui a également marqué, c’est le temps de réaction de l’armée, qui a pris une demi-journée pour arriver sur les lieux. L’attaque du 7 novembre, à Inata, a fait 53 morts dont 49 gendarmes. L’Etat, lui, n’a entendu parler de l’attaque que sur les médias, et deux jours ont été nécessaires pour que les renforts soient déployés de Ouagadougou.
Une inefficacité inouïe, dans le pays qui compte des milliers de morts et plus de 1,5 million de déplacés à cause du terrorisme. Et pour inverser la tendance, Roch Marc Christian Kaboré compte sur un homme : Lassina Zerbo.
Qui est Lassina Zerbo ?
Lassina Zerbo est un géophysicien, diplômé à Paris, engagé pour la recherche scientifique aux Etats-Unis, avant d’atterrir à la tête de la division Afrique de la société minière Anglo-American Exploration. Après 15 ans d’efforts louables pour faire avancer sa carrière et son expertise dans son domaine, il a été nommé directeur du Centre de données de l’OTICE, avant de devenir le secrétaire exécutif de l’organe onusien.
Un diplomate autodidacte donc, qui a passé notamment deux ans au Japon à étudier les effets des bombardements atomiques. Lassina Zerbo est aussi lauréat du Prix pour la diplomatie scientifique de l’Association américaine pour l’avancement des sciences. Il est aussi décoré par l’Autriche, par la Russie, par Madagascar.
Toutefois, malgré la stature et la carrière de l’homme, Lassina Zerbo connait-il vraiment l’Afrique ? Connait-il le Burkina Faso ? Dès qu’il a assumé ses fonctions, Zerbo a promis de « mettre en œuvre son expérience » afin d’obtenir de l’aide militaire pour le Burkina Faso. Mais de quelle expérience parle-t-on ? Dossier à suivre.