L’ancien Premier ministre Bilie-By-Nze a été fouillé brutalement par la police. L’homme politique dénonce les méthodes du CTRI, le régime militaire en place au Gabon.
Le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) est-il « le PDG (le parti de l’ex-président Ali Bongo, ndlr) en treillis » ? Après que le CTRI avait tripatouillé une Constitution sur mesure pour écarter certains candidats à la présidentielle et alors que Brice Oligui Nguema avait promis de laisser le pouvoir aux civils après la transition, les observateurs remarquent qu’il y a finalement peu de différences entre le CTRI d’Oligui Nguema et le PDG d’Ali Bongo. Et cela se voit encore plus à l’approche de la présidentielle.
Vers l’interdiction des rassemblements de l’opposition ?
La semaine dernière, le Délégué spécial en charge de la gestion de la commune d’Oyem, Jean Christophe Owono Nguema, a en effet décidé d’interdire une réunion publique d’Alain Claude Bilie-By-Nze. Depuis, ce dernier est de plus en plus muselé. L’ancien Premier ministre, qui voudrait briguer la présidence, s’est exprimé hier après « une fouille brutale et sauvage » de son cortège à Makokou, dans la province de l’Ogooué-Ivindo. « Ça, c’est le CTRI 2025 », a fustigé l’ancien Premier ministre lors d’une conférence de presse. Bilie-By-Nze estime que le CTRI veut faire taire l’opposition, « parce que notre parole va ouvrir les oreilles des Gabonais ». Son véhicule a été fouillé quatre fois « en moins de 30 kilomètres ».
Au Gabon, les hommes passent mais les méthodes demeurent. Des méthodes, dénonce la presse d’opposition, « dignes de l’ancien régime », comme l’écrit Gabon Media Time qui rappelle que la loi n°001/2017 sur les réunions publiques en République gabonaise, utilisée pour faire taire Bilie-By-Nze ces derniers jours, a été « décriée par l’opposition en son temps qui dénonçait une loi liberticide prise par le régime Bongo-PDG pour museler l’opposition et interdire systématiquement ses rassemblements ».
« Les militaires ne ressentent même pas le besoin de faire semblant de quitter la scène politique »
Le général Brice Oligui Nguema est-il en train d’utiliser les méthodes des dictateurs pour assoir sa position de favori à l’élection présidentielle du pays ? Assurément, et le militaire a des statistiques pour lui : « Entre 2021 et 2023, aucun des huit coups d’État réussis en Afrique n’a abouti à un retrait des militaires du pouvoir », rappellent les deux chercheurs Jonathan Powell et Salah Ben Hammou. Selon eux, « la nouvelle Constitution gabonaise est révélatrice d’une tendance croissante dans laquelle les militaires ne ressentent même pas le besoin de faire semblant de quitter la scène politique ». Autrement dit, le retour à une dictature, militaire cette fois, est évident, mais Brice Oligui Nguema n’a même pas besoin de faire semblant de vouloir rendre le pouvoir aux civils.
Les dirigeants du Gabon, poursuivent les chercheurs, « semblent plus intéressés que certains de leurs homologues régionaux à dépasser officiellement l’étiquette ‘intérimaire’. Malheureusement, ces efforts semblent viser à légitimer le coup d’État plutôt qu’à assurer la transition vers une véritable gouvernance civile ». Et pour ce faire, Brice Oligui Nguema et ses bras droits ont tout intérêt à museler l’opposition, à moins de deux mois de l’élection présidentielle. Et dire que la campagne n’a officiellement pas commencé. Nul doute qu’en mars prochain, les événements comme la fouille du cortège de Bilie-By-Nze se multiplieront, pour laisser au général toutes ses chances de victoire.