C’est l’un des objectifs du Plan national de développement (PND) 2022-2026 : diversifier l’économie congolaise et faire émerger dans le pays des filières industrielles de premier plan, au fort potentiel à l’exportation. Dans le domaine agricole, une première étape s’est concrétisée avec l’inauguration d’une usine de tracteurs à Maloukou, à la frontière avec la RDC, qui promet de faire sortir 250 engins par mois de ses lignes de production.
La modernisation du secteur primaire en ligne de mire
« Pour progresser vers l’autonomie alimentaire dans les années à venir, la modernisation de notre agriculture est pensée comme une priorité au plus haut niveau de l’État », affirme Claudia Sassou N’Guesso, conseillère spéciale à la présidence en charge des questions de communication. Car l’enjeu est de taille : aujourd’hui, seuls 2 % des 10 millions d’hectares de terres arables que compte le pays sont cultivés et le Congo reste prisonnier des importations pour nourrir ses 5 millions d’habitations. Une dépendance coûteuse — entre 600 et 700 milliards de francs CFA par an — et qui expose le pays aux fluctuations internationales dans les périodes de crise, comme c’est le cas actuellement avec la guerre en Ukraine.
Les « nouveaux villages agricoles » puis les « zones agricoles protégées » déployées depuis plusieurs années pour limiter l’exode rural et favoriser les exploitations de grande taille sont l’une des pistes envisagées. La mécanisation en est une autre. C’est ce qui a été fait, avec la construction d’une usine de montage de tracteurs dans la Zone économique spéciale (ZES) de Maloukou, dans le sud du pays. De quoi satisfaire aussi le gouvernement, qui avait fait des ZES l’un des fer-de-lance de sa stratégie économique, logiquement ravi de voir l’une d’entre elles accueillir un tel projet industriel.
L’usine, inaugurée le 6 avril dernier, sera capable de produire 250 tracteurs chaque mois, soit 3 000 engins agricoles à l’année. « La mécanisation de notre secteur primaire permettra à la fois d’augmenter les terres cultivées et d’accroître la productivité », estime Claudia Sassou N’Guesso. Signe du volontarisme des pouvoirs publics, l’État congolais sera actionnaire à hauteur de 30 % du groupe ECO-CAMACO, qui dirigera la production. « Ce projet, parfaitement viable et financé, illustre parfaitement ce que nous souhaitons pour le Made in Congo : des capacités industrielles permettant des productions à haute valeur ajoutée utiles pour les populations et génératrices de revenus à l’export », se réjouit Claudia Sassou N’Guesso.
Encore dépendante des hydrocarbures — à hauteur de 90 % de ses revenus nationaux — et du bois, l’économie congolaise fourbit ses armes pour se préparer l’après-pétrole et poursuivre la préservation de ses forêts. Une stratégie aussi privilégiée par la RDC voisine, dont l’un des moteurs de croissance reste les hydrocarbures, et qui a placé la diversification au cœur de son « Plan national de développement stratégique » 2019-2023. « La diversification économique reste l’une des mesures d’atténuation les plus stratégiques pour faire face aux chocs exogènes », confirme Claudia Sassou N’Guesso. L’enjeu est d’autant plus important que le gouvernement congolais reconnaît, avec transparence, des difficultés dans ce domaine. « Le PIB hors pétrole qui traduit les efforts de diversification a fléchi continuellement, passant de 9,7 % en 2012 à 4,6 % en 2016, avec une moyenne sur les cinq ans de 7 % », peut-on lire dans son Plan national de développement (PND), qui confesse que « les exportations congolaises ne sont pas diversifiées ».
Les initiatives restent encore trop parsemées
Bonne nouvelle : Brazzaville semble pouvoir compter sur sa population pour innover et créer. Ces dernières années, de nombreux projets ont émergé des esprits congolais. L’ingénieur Kiba Fabrice, par exemple, rêve de voir un jour ses véhicules sortir d’une usine congolaise. Les prototypes, élaborés de ses mains, sont déjà là. De même que sa marque, KF, qui pourrait devenir la première enseigne à concevoir des voitures 100 % Made in Congo. Pour l’heure toutefois, faute de crédit, la production à grande échelle reste de l’ordre de l’inachevé. Comme d’autres entrepreneurs, Fabrice Kiba se heurte à l’un des problèmes systémiques du continent, à savoir le mur du financement et de l’accompagnement de la croissance, moins d’un quart des TPE et PME accédant effectivement à un prêt bancaire. « C’est l’un des principaux défis. Il faut renforcer les mécanismes de financement permettant de faciliter l’accès au crédit des entrepreneurs, qui seront demain des catalyseurs de croissance pour le Congo », affirme Claudia Sassou N’Guesso.
Dans la technologie aussi, le Congo a su se démarquer dans les années passées. C’est en effet là, en 2012, qu’a été développé le tout premier smartphone made in Africa. Vérone Mankou, le jeune ingénieur congolais à l’origine du projet, avait malheureusement dû faire produire son appareil en Chine, avant de la rapatrier au Congo en 2015 et d’ouvrir dans foulée Bantahub, un incubateur de startups basé à Brazzaville. Des avancées ont également été faites dans le domaine de la santé, avec la conception en 2020 d’un respirateur artificiel Made in Congo. « Ce respirateur est encore appelé un ventilateur pulmonaire. Il permet d’assurer une assistance de respiration quand les gens ne peuvent plus respirer totalement ou partiellement par leurs propres efforts. Nous nous sommes inspirés d’un modèle qui a été mis au point en Espagne et qui a fait ses preuves pendant la riposte à la Covid-19 dans ce pays », avait à l’époque expliqué monsieur Tsengué-Tsengué, l’un de ses créateurs.
L’artisanat n’est pas en reste. La deuxième édition du Marché de l’artisanat, abritée à Brazzaville, a ainsi permis d’exposer le travail d’artisans du cuir, spécialisés dans les chaussures réalisées à partir de produits venus du monde entier et assemblés au Congo. « C’est un patchwork (un ensemble) de tout : les peaux de bœufs, appelées cuir ordinaire, reviennent d’Italie. Les peaux d’Alligator, nous les achetons en Amérique ; celles de crocodile du Nil, nous les prenons au Vietnam. Les teintures pour faire les couleurs, nous les achetons en France », affirme ainsi Gladis Koumou, pour RFI. « Notre vision de la diversification intègre pleinement l’artisanat, qui est une mise en valeur des talents locaux et une marque de prestige pour nos produits à l’exportation », reconnaît Claudia Sassou N’Guesso, alors même que le secteur contribue à environ 20 % du PIB du pays. Et, comme les autres pays africains, c’est aussi vers la numérisation de son économie que se tourne le Congo. De nombreuses initiatives sur le digital ont ainsi été prises ces dernières années par les entreprises du secteur, avec un puissant soutien gouvernemental. Plusieurs forums ont été organisés (Forum Brazza Cybersécurité, Forum national de l’innovation technologique…), et un Livre blanc des Postes, des Télécommunications et de l’Économie numérique a été mis en place afin d’établir un diagnostic du secteur et d’évoquer des pistes de croissance.
La route est encore longue
Ces différentes initiatives démontrent qu’au Congo, la soif d’entreprendre et la capacité créatrice sont présentes. Et que la volonté politique est bien ancrée pour les accompagner. Mais parsemées, elles demeurent encore insuffisantes pour permettre d’entamer une tendance de fond. Une réalité, dont le gouvernement a conscience : « L’un de nos objectifs prioritaires est d’accompagner la diversification économique, par un soutien calibré aux projets stratégiques, une amélioration du climat des affaires et la mise en œuvre d’un cadre favorable à l’entrepreneuriat et à l’accueil des investissements étrangers », conclut Claudia Sassou N’Guesso.