Après son échec militaire, diplomatique et politique au Sahel, la France veut revoir sa stratégie. Encore faudrait-il que Paris prenne en compte ses erreurs passées.
Le Sahel est-il devenu le Triangle des Bermudes pour Paris ? Embourbée depuis des années dans cette région africaine, la France s’était posée en sauveuse, avant d’être décriée. En février 2013, le président François Hollande déclenchait l’opération Serval. Il était alors reçu sur place par des applaudissements et vivait alors « le plus beau jour de sa vie politique ». L’objectif était alors noble : aider le Mali à se débarrasser des djihadistes.
Mais neuf années plus tard, la situation a bien changé : Serval est devenue Barkhane, et la légalité de l’opération a souvent été remise en cause. En janvier dernier, l’ambassadeur de France au Mali était sommé de quitter Bamako, tout comme les militaires français. Emmanuel Macron, en désaccord avec la junte militaire, annonçait le retrait des soldats français.
Suppression de la « task force » Sahel
Ce jeudi, on apprend par ailleurs que la « task force » Sahel, créée en janvier 2020, va être dissoute. Africa Intelligence écrit en effet que celle-ci va être « réintégrée pleinement à la direction Afrique du ministère des affaires étrangères ». Un changement de stratégie qui montre surtout que Paris a failli dans sa mission.
Tout d’abord, le bilan est catastrophique : la situation sécuritaire ne s’est pas améliorée dans la région. Pire, le Sahel continue de voir cette situation se dégrader. Et ce bien avant le départ annoncé des militaires français. L’opération Barkhane aurait d’ailleurs commis plusieurs bavures, dont certaines documentées dans des rapports de la Minusma, tendant un peu plus les relations entre Paris et Bamako.
L’ONG Oxfam décrit « une stratégie française devenue sans issue ». La région du Sahel a été une impasse pour Paris, qui a non seulement failli dans sa mission mais également participé à se faire mal voir sur le continent : « Que ce soit au Mali, au Burkina Faso ou au Niger, les populations sahéliennes expriment aujourd’hui une forte défiance à l’encontre de la politique menée par la France. Ceci s’explique notamment par une dégradation continue du contexte sécuritaire qui depuis le nord Mali il y a dix ans s’est propagée au fil des années vers le Niger et le Burkina Faso voisins. Aujourd’hui, ce sont le Bénin ou encore la Côte d’Ivoire qui commencent à être touchés à leur tour par des attaques de différents groupes armés non étatiques, soulignant aux yeux des populations locales l’incapacité de Barkhane et de ses partenaires à mettre fin à l’insécurité ambiante », résume Oxfam.
« Le constat d’un échec de la France est désormais largement partagé »
En juillet dernier, la France a bien tenté un dernier coup de poker, avec l’envoi annoncé de ses ministres des Armées et des Affaires étrangères français au Niger pour, selon Mediapart, « tenter d’y convaincre leurs homologues qu’au Sahel, la France est désormais à l’écoute de ses alliés militaires et respecte la souveraineté de ses partenaires africains ». Autrement dit, on reproche bien plus à Paris que son inefficacité, et ça l’Élysée le sait.
Pour Marc-Antoine Pérouse de Montclos, docteur en sciences politiques, « l’échec n’a pas été que militaire à cet égard. Il a aussi revêtu une dimension morale et politique au moment où des putschistes revenaient au pouvoir au Mali ». La France s’est faite l’ennemi des militaires, et par la même occasion d’un peuple malien qui cherchait un partenaire, plus qu’une figure paternaliste, voire néocolonialiste.
La suite, on la connaît : les coups d’État militaires ont été acclamés par la rue, du Mali au Burkina Faso. Paris a aussi vu les populations manifester contre les convois de l’opération Barkhane au Niger et au Burkina Faso.
« La politique de Paris au Sahel est entrée dans une forte zone de turbulence ces derniers mois. Le constat d’un échec de la France est désormais largement partagé après bientôt 10 ans d’opérations militaires qui n’ont pas permis de répondre aux crises sahéliennes », résume l’ONG Oxfam.