Accusé de ne plus être malgache, après avoir été naturalisé français, le président Andry Rajoelina est plongé dans une crise politique grave, à quelques mois de la présidentielle.
C’est une question qui a déjà fait polémique dans plusieurs pays : celle de la binationalité. Mais si les débats sont habituellement enflammés, ils le sont encore plus quand cette double nationalité est cachée par les dirigeants. On se souvient de Youssef Chahed, Premier ministre tunisien qui, au moment de se porter candidat à la présidentielle de 2019, avait annoncé avoir renoncé à sa nationalité française. Problème : pendant trois ans, il avait gouverné la Tunisie sans jamais avoir évoqué une quelconque détention d’un passeport français. Les électeurs tunisiens y ont vu une trahison. Pour Youssef Chahed, avoir une deuxième nationalité paraissait logique, « comme des centaines de milliers de Tunisiens qui ont résidé et travaillé à l’étranger ». Si la Constitution tunisienne demandait aux candidats à la présidentielle de n’avoir que la nationalité tunisienne, Chahed semblait dans son bon droit, même si le fait d’avoir caché ce secret lui avait coûté cher.
Cette fois, c’est du côté de Madagascar que la question de la double nationalité d’un dirigeant fait polémique. Car ce dirigeant n’est pas n’importe qui : c’est le président Andry Rajoelina, lui-même, qui est accusé d’avoir été naturalisé français en 2014. Or, comme l’indique le code de la nationalité de Madagascar, en acquérant volontairement une autre nationalité, Rajoelina aurait dû automatiquement perdre sa nationalité malgache. Difficile pour le président malgache de démentir la publication qui a fait le tour des réseaux sociaux : Rajoelina a bien été naturalisé français, comme l’atteste le Journal officiel français, qui avait alors publié le décret sur sa naturalisation. Une naturalisation obtenue alors qu’il avait promis à Paris de se retirer de la vie politique, après quatre ans passés au poste de président de la Transition, suite au départ de Marc Ravalomanana. Andry Rajoelina a donc dû se résoudre à plaider coupable. De quoi provoquer le début d’une crise politique.
L’Assemblée nationale peut-elle se rebeller ?
Dans un premier temps, Andry Rajoelina hypothèque ses chances de redevenir président. Si la question de la double nationalité de Rajoelina était déjà apparue en 2018, personne n’avait encore pu la prouver. Cette fois, le président sortant pourrait bien voir la route vers la présidentielle lui être barrée. L’article 46 de la Constitution de son pays indique que « tout candidat aux fonctions de président de la République doit être de nationalité malagasy ». L’article 42 du Code de la nationalité, lui, indique que « perd la nationalité malgache, le Malgache majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère ». Mais Rajoelina a, un temps, espéré tuer la polémique. « Le président est né de père et de mère malgache. Il est malgache », a ainsi asséné son cabinet, tandis que le président assurait que « personne ne peut enlever ni changer le sang malgache qui coule dans nos veines ». Mais le droit est têtu. Et Rajoelina pourrait bien avoir dit adieu à ses ambitions de réélection.
Pire, le président malgache va devoir désormais tenter de rester en poste, au moins jusqu’au scrutin. Car le chef de l’État doit désormais se défendre suite à une plainte au pénal, qui lui reproche le non-respect du Code de la nationalité. « Nous avons dénoncé le fait que le président Andry Rajoelina ait perdu sa nationalité en vertu des articles 42 et 43 du Code de la nationalité et qu’il l’ait dissimulé. Il a donc enfreint la loi en se présentant aux élections », indique l’ancienne présidente du Syndicat des magistrats de Madagascar et opposante Fanirisoa Ernaivo, qui assure avoir « porté plainte pour trahison, espionnage, usage de faux et atteinte à la sûreté de l’État ». Pour le moment, le président bénéficie d’une certaine immunité : Rajoelina est « uniquement justiciable devant la Haute Cour de Justice » et « il ne peut être mis en accusation que par l’Assemblée nationale », assure sa directrice de cabinet, Romy Voos Andrianarisoa. C’est donc désormais à l’Assemblée nationale que se jouera l’avenir du président. Une assemblée qui ne lui est plus totalement acquise depuis que des élus du camp présidentiel ont déploré des pressions de la part de Rajoelina.