C’est dans un climat fébrile que l’Algérie se prépare aux élections législatives anticipées du 12 juin. Après une campagne agitée, comment le scrutin se présente-t-il ?
Après une vague d’arrestations, dont les plus récentes datent de la nuit de jeudi à vendredi, le Hirak est au point mort. Toutefois, l’Algérie semble imperturbable vis-à-vis des élections imminentes. 407 sièges sont pourvus dans les 58 préfectures du pays.
L’Etat a opté pour un vote préférentiel, afin que les sièges soient répartis proportionnellement entre les listes. Un système qui a prouvé son efficacité dans les jeunes démocraties. Toutefois, le choix du scrutin plurinominal relèverait aussi d’une volonté de privilégier les listes indépendantes. En effet, un scrutin sans panachage se dirigerait automatiquement vers un avantage aux listes majoritaires.
Or, en Algérie, les indépendants sont désormais la majorité. La Haute instance indépendante de surveillance des élections (HIISE), ainsi que l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE) ont déjà éliminé de la course la majorité des listes des partis de l’opposition. D’autres partis, comme le parti Rachad et le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK) ont carrément été désignés comme « organisations terroristes ». Il ne reste donc que peu de concurrents pour les sièges du Parlement.
Les listes favorites de cette élection restent donc celles du FLN et du RND, les traditionnels partis du pouvoir. Le parti islamiste MSP de Abderrazak Makri fait aussi partie des plus investis dans ces élections. Autrement, plus d’une dizaine de listes indépendantes se disputeront les miettes.
Elections législatives sous les auspices d’une volonté de paix et de nouveauté
La société civile s’attend à record historique d’abstention de vote. Il s’agit là d’une tendance que connait le pays depuis deux décennies. Lors du dernier référendum constitutionnel, 27% des Algériens ont voté. En raison de la répression des marches du Hirak, ainsi que de la multiplication des arrestations des figures de l’opposition, les élections de demain risquent d’engendrer une crise politique.
Cependant, pas de quoi inquiéter le président Abdelmadjid Tebboune et le Haut conseil de sécurité (HCS). Malgré que le chef d’Etat algérien ait déclaré qu’il ne représentait aucune formation politique, il reste le seul visage reconnu du centre-gauche algérien, proche des militaires. Globalement, les yeux sont rivés sur la participation du MSP.
Le parti de Makri est l’unique parti d’opposition qui jouit d’une réelle structure. Souvent critiqué pour sa proximité passée des Frères Musulmans, il avait déclaré s’éloigner de l’organisation. Néanmoins, la tendance politique des populations algériennes aspire à trois principes fondamentaux.
D’abord, une antipathie farouche oppose une majorité des Algériens aux politiciens qui revendiquent une obédience de l’islam politique. Ensuite, le peuple a exprimé une volonté populaire de changement avec le Hirak. Une masse populaire non négligeable est donc déçue par l’étouffement progressif du mouvement. Puis, et avant tout, les Algériens préfèrent que le débat politique se déroule dans la paix.
Il est clair que le risque de troubles postélectoraux soit toujours présent. Toutefois, il n’y a aucune volonté collective de perturber le scrutin. Ce qui est préoccupant, c’est la tendance à présager une victoire de certains partis. Non pas que ces partis soient immuablement influents, mais simplement par résignation. La participation féminine et la portée des listes indépendantes ont aussi fait couler beaucoup d’encre dans la presse nationale. Le jour des élections augure-t-il des surprises ? Dossier à suivre.