En 2017, le Maroc soutenait la cause palestinienne et représentait l’Afrique du Nord dans la conférence sur l’Intifada en Iran. Aujourd’hui, l’Etat marocain semble avoir dévié en faveur de la normalisation avec Israël.
Par le passé, le gouvernement marocain traduisait la volonté de son peuple qui condamne toujours l’apartheid israélien en Palestine. Depuis décembre 2020, l’Etat du royaume chérifien a complètement changé de bord. Cela ne s’applique pas uniquement aux relations internationales, mais aussi au niveau national, jusqu’aux organes de l’Etat.
L’éminent écrivain amazigh marocain, Ahmed Ouihmane, a dénoncé cela dans son livre. Désormais banni sur toutes les plateformes digitales, il continue toutefois à donner des interviews. Ouihmane explique d’ailleurs la progression de l’immixtion israélienne dans les affaires de l’Etat marocain. Pour Ouihmane, il ne s’agit même plus de la cause universelle de libérer le peuple palestinien colonisé.
Il estime, depuis 2018, que les autorités sionistes contrôlent tous les secteurs économiques et culturels au Maroc. Dans une déclaration choc, reportée par la chaine Al Shahed TV, il dénonce ce néocolonialisme israélien dans le pays.
Ahmed Ouihmane contre l’immixtion d’Israël au Maroc
Dr Ouihmane était le président de l’Observatoire marocain contre la normalisation avant son emprisonnement pendant deux mois en 2019. Ahmed Wihane lui a succédé, essayant de dénoncer la mouvance vers la normalisation de la diplomatie marocaine avec Israël. Une cause désormais perdue au Maroc. Toutefois, lui et ses militants sont persécuté depuis longtemps, bien avant l’officialisation des rapports entre l’entité sioniste et le Maroc. En effet, la dernière manifestation de l’Observatoire a été contrée par une lourde intervention des forces publiques marocaines. Ouihmane lui-même a été arrêté et torturé trois fois depuis 2018, il souffre d’une invalidité et de plusieurs séquelles.
Selon les diverses déclarations de ses collègues, qui proviennent de 20 nationalités différentes, les faits sont plus graves encore. Ouihmane aurait dévoilé des détails trop spécifiques pour la tolérance de l’Etat marocain. Notamment, il présente des faits sur l’intervention israélienne dans le conflit du Sahara occidental. Il suggère que les renseignements israéliens alimentent le volet qui oppose l’Algérie et le Maroc.
Dans son livre, dont une seconde version a été publiée en juillet 2020, il dévoile d’autres faits plus sérieux encore. L’entité sioniste contrôlerait la politique, le sport, la culture et l’économie marocaine. Parmi les ingérences les plus aberrantes, selon Ouihmane, Israël aurait pénétré le ministère des Habous et des Affaires islamiques. Guy Déry, le proche, et probablement le frère d’Aryé Déry, le ministre de l’Intérieur israélien, gère le patrimoine du ministère marocain. Il ferait même partie de l’administration du ministre.
Ouihmane a déclaré : « J’ai dévoilé les réseaux d’agents sionistes avec leurs photos. J’ai aussi dénoncé une secte appelée Les Amoureux d’Israël au Grand Maghreb », a-t-il dit. Le livre de Ouihmane appelé « Bibi ! Le chaos aux portes » est aujourd’hui interdit à la distribution au Maroc. On peut toutefois le trouver en Algérie.
1. J'aime bien Ahmed Ouihmane. C'est un militant courageux. Et il a encore des principes.
Mais lier la normalisation avec Israël à la création d'un Etat hébreu bis au #Maroc et au #Hirak du #Rif me paraît un peu osé.https://t.co/znFICFOxXa— Ali Lmrabet علي المرابط (@Alilmrabet) January 5, 2021
Après la répression de l’opposition, à quoi ressemble la normalisation ?
Ouihmane a souvent été dénigré par les médias de l’Etat marocain, qui l’ont appelé un complotiste, ensuite un fou, et enfin un terroriste. Toutefois, ses compagnons, des Marocains et des naturalisés, ont continué la lutte de leur exil algérien.
Pour la plupart, ils ont subi le même traitement que leur chef. Surtout après une manifestation en octobre 2019, au Salon international des dattes. Où ils dénonçaient une vente en masse des jeunes dattiers de Medjool, organisée par le ministère de l’Agriculture en faveur de la société israélienne « Netafim ».
Certains des militants de l’Observatoire avaient aussi dénoncé les visites successives de Jared Kushner aux pays d’Afrique du Nord. Ils considéraient que l’administration de Donald Trump tentait un coup de force dans la zone MENA. Ils avaient prévenu l’opinion publique de ce qui se tramait des mois avant les accords d’Abraham.
Depuis, le Soudan et le Maroc ont échangé leurs positions diplomatiques contre un rapprochement avec l’entité sioniste. Ce qui vaut, selon les analystes, quelques milliards de dollars pour le Soudan et la reconnaissance américaine de la marocanité du Sahara occidental. Actuellement, la diplomatie des deux pays est critiquée par plusieurs pays, surtout leurs voisins immédiats.
Quant à Israël, pas moins de 10 ministres d’origine marocaine font partie du gouvernement de Netanyahou. L’armée coloniale installée en terres palestiniennes use de ces nominations. En l’occurrence, un pillage d’envergure vise les produits agricoles exclusifs marocains, comme les dattes Medjool et l’argan. Au niveau gastronomique aussi, Israël publie des manuels de cuisine annonçant que des plats typiques marocains berbères seraient d’origine sioniste et même ashkénaze. Ce qui ressemble bien à de l’appropriation culturelle. En marge de ce déséquilibre, les hommes d’affaires israéliens sont très investis dans le divertissement, les médias et l’industrie marocains. Ce qui n’est pas sans rappeler la RDC sous Kabila.
Jared Kushner [visiting Morocco as part of a tour of the region to impose a "deal"]
is guest of Morocco's King Mohamed VI for Iftar https://t.co/7qsr9t6D8s— Marian Houk (@Marianhouk) May 29, 2019