La justice française a annulé l’agrément judiciaire qui permettait à l’association Anticor d’intervenir en justice dans des dossiers de lutte contre la corruption. Une bonne nouvelle pour les détenteurs de biens mal acquis, notamment africains.
C’était en juin 2022. Aux côtés de Sherpa, l’ONG Anticor annonçait se constituer partie civile dans l’affaire Bolloré, accusé de corruption au Togo. Désormais, il semble difficile pour Anticor d’aller devant la justice pour de telles affaires : le tribunal administratif de Paris a annulé, ce vendredi, l’agrément judiciaire qui permettait jusqu’ici à l’association Anticor d’intervenir en justice dans des dossiers de lutte contre la corruption.
Un véritable coup dur pour les dirigeants d’Anticor, qui craignent « des impacts très négatifs » sur les affaires politico-financières que l’association tente de révéler au grand jour. Mais un joli coup de main pour les voleurs — dirigeants politiques et hommes d’affaires — de l’Afrique. Les autres ONG, à l’instar de Transparency International ou de Sherpa, peuvent trembler : l’État français ne les aidera pas à attaquer en justice les détenteurs de biens mal acquis.
En réalité, la décision du tribunal administratif de Paris est la suite logique d’une campagne politique qui vise à écarter les ONG du circuit judiciaire. Depuis 2008, rappelait il y a quatre ans Libération, le parquet a multiplié les obstacles à l’encontre des associations « afin d’étouffer des actions en justice nuisibles pour la sérénité de la Françafrique ».
Une atteinte à la démocratie
En 2019, Transparency International et Sherpa avaient, après une longue épreuve judiciaire, pu être présentes au procès Obiang, auquel elles s’étaient présentées en tant que parties civiles. À l’époque, la justice avaient trouvé la parade pour écarter les ONG, assurant qu’elles n’avaient pas subi de préjudices dans les affaires de biens mal acquis. Mais en 2010, la Cour de cassation avait affirmé que Transparency International avait subi « un préjudice direct et personnel » dans le dossier des biens mal acquis. Une bonne nouvelle pour toutes les ONG anticorruption.
Si Anticor s’appuyait donc sur cette décision de la Cour de cassation, elle devra finalement se résoudre à ne plus se porter partie civile. Sans agrément judiciaire, Anticor ne peut en effet plus déclencher de poursuites, c’est-à-dire plus déposer plainte avec constitution de partie civile. Les conséquences sont importantes : si elle n’est plus partie civile, l’ONG ne pourra plus accéder aux dossiers, ni transmettre des documents ou des demandes d’audition de témoins au juge d’instruction.
Anticor va renouveler sa demande d’agrément judiciaire. Sur Twitter, l’ONG estime que « cette annulation constitue une atteinte grave à la démocratie, ainsi qu’aux libertés associatives ». Si deux autres associations disposent de ce même agrément, Sherpa et Transparency International, difficiles de savoir à quelle sauce elles seront elles aussi mangées. La Françafrique a encore de beaux jours devant elle.