Réclamant 48 millions de dollars à la Tunisie, la société canadienne de pétrole Zenith Energy a lancé une procédure internationale d’arbitrage. Explications.
Dans les couloirs de la Chambre de commerce canado-tunisienne (CCCT), à Montréal, l’affaire fait beaucoup parler. « C’est une gifle donnée à un cousin », résume, sous couvert d’anonymat, un homme d’affaires québécois qui a suivi les démarches entreprises par Zenith Energy contre la Tunisie. Un dossier qui pourrait fragiliser les relations entre Ottawa et Tunis, alors que, selon les chiffres du gouvernement canadien, La valeur des investissements directs canadiens en Tunisie se chiffrent à 57 millions de dollars.
Le 6 juin dernier, Zenith Energy, société de production et exportation de pétrole et de gaz, a lancé une procédure contre la Tunisie auprès du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, régi par la Convention de Washington de 1965. À l’origine du différend entre les deux parties : la concession pétrolière d’Ezzaouia, à Zarzis, gérée par Ecumed Petroleum Zarzis, une filiale du groupe canadien, et celle de Sidi El Kilani, gérée par une autre filiale, Canadian North Africa Oil & Gas.
Un partenariat fragilisé par Tunis ?
Zenith Energy avait acquis, en mars 2021, la filiale de Candax Energy, Ecumed Petroleum Zarzis, qui détenait 45 % de parts dans la concession d’Ezzaouia. Le reste des parts appartenant à la société publique tunisienne du pétrole (ETAP). À l’époque, le patron de Zenith Energy, Andrea Cattaneo, se félicitait de cette opération qui devait générer des revenus mensuels importants. Ces dernières années, les différentes sociétés pétrolières internationales avaient vécu des situations difficiles, marquées par les blocages administratifs. On se souvient des départs d’ENI, d’EnQuest, de Shell ou encore de Petrofac, Medco et Gulfsands Petroleum. « Zenith Energy, malgré tout, a continué à investir en Tunisie », indique un journaliste économique tunisien.
Selon la demande d’arbitrage, que nous avons pu consulter, Zenith reproche à la République tunisienne et à ETAP des « actions contraires aux conditions des permis de Sidi El Kilani et d’Ezzaouia, des retards de paiement du pétrole livré et des obstructions inexpliquées dans le traitement de la vente du pétrole produit ». Un proche du dossier s’étonne que Tunis n’ait pas réagi plus tôt : « Zenith Energy fait logiquement valoir ses droits, mais en ne répondant pas aux demandes de l’entreprise, la Tunisie met à mal un partenariat pourtant gagnant-gagnant ».
Zenith Energy, prête à négocier à l’amiable
Car malgré la démarche juridique débutée par Zenith, la Canadienne poursuit ses activités en Tunisie, notamment dans les concessions Robbana et El Bibane qui lui appartiennent à 100 %. Joint par téléphone, Zenith Energy, qui a fait appel au cabinet d’avocats Gide Loyrette Nouel, « refuse de commenter » une procédure en cours. Du côté des autorités tunisiennes, c’est également silence radio, même si, plus localement à Zarzis, on soutient implicitement la démarche de Zenith.
D’autant que, selon le document confidentiel que nous avons pu parcourir, l’entreprise canadienne, qui réclame 48 millions de dollars américains, se dit prête à une négociation à l’amiable avec la République tunisienne. Et du côté de ses concessions, une source proche du gouvernorat de Zarzis affirme que « l’entreprise a toujours maintenu de bonnes relations avec les populations locales ». Zenith sponsorise d’ailleurs le club de football de l’Espérance Sportive de Zarzis.