Au Sénégal, le président Macky Sall invite l’opposition à dialoguer. Une méthode mise en place par plusieurs présidents africains avant lui, qui n’a pas toujours été suivie d’effets positifs.
Quand on est dans l’opposition, faut-il accepter les mains tendues par les pouvoirs en place, qui proposent généralement d’organiser des dialogues nationaux ? C’est une question complexe sur laquelle même les partis d’opposition ont du mal à s’accorder. Au Sénégal, le président Macky Sall a tendu la main à « toutes les forces vives de la nation », leur proposant un « dialogue » et une « concertation ». L’opposition acceptera-t-elle d’y participer, alors que se profile la présidentielle de 2024 ?
D’aucuns voient dans cet appel du président sénégalais une tentative de manipulation. Il faut dire que les exemples sont nombreux, en Afrique, de dialogues nationaux qui ont desservi les opposants. C’est le cas au Gabon où, dernièrement, les leaders politiques réunis lors d’une « concertation politique » qui a duré dix jours ont décidé de ne pas limiter le nombre de mandats du chef de l’État. Une décision qui sera rapidement contestée, puisqu’une partie de l’opposition avait boycotté cet événement.
Si, du côté de Libreville, Ali Bongo veut rapidement inscrire dans la Constitution les décisions prises lors de la fameuse « concertation politique », ailleurs, ce n’est pas toujours le cas. Au Cameroun, fin 2019, un « grand dialogue national » avait été organisé par le pouvoir. Il s’agissait notamment d’évoquer le cas du Cameroun anglophone. Plusieurs recommandations avaient été faites, lors des discussions, parmi lesquelles une proposition de décentralisation. Mais aujourd’hui, rien n’a vraiment bougé.
Les opposants se sentent piégés
C’est un peu le problème des concertations nationales. Si elles aboutissent sur des recommandations ou des propositions, encore faut-il que ces dernières soient appliquées. À BBC, le politologue Aristide Mono estime que, sans close contraignante, les propositions faites lors des débats entre pouvoirs et oppositions « dépendent de la volonté des décideurs, au lieu de s’imposer à eux ». Un autre politologue, le Béninois Joël Atayi-Guedegbe, estime que les pouvoirs ne parlent qu’avec des oppositions qui leurs sont favorables.
Et c’est sans doute là l’enseignement à retenir des concertations nationales. Celles-ci sont, en général, vouées à l’échec car boycottées par une partie de l’opposition. Au Sénégal, on imagine mal Sonko — qui déclare que « celui qui parle de dialogue a lui-même dit qu’on n’a pas besoin de dialogue parce qu’il n’y a aucun problème au Sénégal » —, Wade ou Khalifa Sall accepter la main tendue par Macky Sall, alors que la contestation est leur fond de commerce. Mais ils se sentent piégés : s’ils acceptent, ils devront faire des concessions ; s’ils refusent, ils seront vu comme ceux qui ont refusé d’apaiser la situation.
Alors, quelles solutions ? Les oppositions semblent n’avoir aucun intérêt à dialoguer, elles ont tout à y perdre. À moins d’obtenir des promesses concernant de réelles revendications — libérations de prisonniers politiques, réformes électorales, etc. Reste qu’organiser un dialogue national à la veille d’une élection reste difficile à rendre crédible cette démarche. Pour Joël Atayi-Guedegbe, il faudrait plutôt que les pouvoirs en place en Afrique organisent des « dialogues permanents », pour mieux prendre en compte les points de vue divergents. Et surtout pour éviter que ces dialogues nationaux ponctuels apparaissent comme une tentative de manipulation.