Alors que tout allait mieux entre la France et l’Algérie, l’exfiltration d’Amira Bouraoui depuis Tunis vers Paris a de nouveau fragilisé les relations entre les deux pays.
L’affaire Amira Bouraoui a-t-elle mis fin à l’idylle (re)naissante entre la France et l’Algérie ? Emmanuel Macron s’était rendu en Algérie en fin d’été dernier. Il était reparti d’Afrique du Nord après avoir conjointement signé avec Abdelmadjid Tebboune une déclaration pour relancer les relations entre les deux pays. Depuis, c’est l’amour fou entre Alger et Paris. Ou plutôt c’était.
Car depuis l’exfiltration de la militante Amira Bouraoui depuis la Tunisie vers la France, avec l’aide des autorités consulaires françaises selon Alger, est-ce la fin de la bonne entente entre Alger et Paris ? Trois semaines après les faits, Emmanuel Macron est revenu sur cet épisode, le qualifiant de « coup de grisou ».
« Il y a eu une polémique sur le retour en France d’une Franco-Algérienne depuis la Tunisie, avec aussi beaucoup de choses qui ont été racontées et un discours qui s’est construit », a nuancé le président Macron. Une posture qui montre la gêne du chef de l’État, qui n’a même pas osé prononcer le nom d’Amira Bouraoui.
Macron la joue profil bas
Mais du côté de l’Algérie, on a dénoncé l’intervention des « personnels diplomatiques, consulaires et de sécurité relevant de l’État français » lors de cette exfiltration. Le ministère algérien des Affaires étrangères a déploré une situation « inadmissible » qui est « un grand dommage » pour les relations entre la France et l’Algérie.
La posture de Macron est claire : il s’agit d’accuser pour mieux se défendre. « Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui ont intérêt à ce que ce que l’on fait depuis des années maintenant avec l’Algérie n’aboutisse pas », a-t-il expliqué, comme pour assurer que tout va pour le mieux avec Alger et que l’on tenterait — sans savoir qui — de saboter les relations franco-algériennes.
Un discours hors-sol, car la situation est plus délicate que ne veut le laisser croire Macron : le 8 février dernier, l’Algérie avait dénoncé l’exfiltration « clandestine et d’illégale » de Bouraoui et décidé de rappeler son ambassadeur en France « pour consultations ». Trois semaines plus tard, la tension est encore montée d’un cran.
Alger vient en effet de décider de la suspension de la délivrance des laissez-passer consulaires en France. Qu’est-ce que cela signifie ? Le consulat d’Algérie en France indique que « le laissez-passer est un titre de voyage délivré exceptionnellement à tout ressortissant algérien non immatriculé, pour lui permettre de rentrer en Algérie, en cas de perte, de vol ou d’expiration de son passeport ». Dans les faits, la suspension de la coopération consulaire entre les deux pays risque surtout de paralyser les reconduites à la frontières.
Quid de la visite de Tebboune en France en mai ?
Or, c’est justement le manque de coopération de la part de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie, déploré par Paris, qui avait provoqué une crise entre la France et les pays nord-africains ces derniers mois. En 2021, Paris avait restreint la délivrance de visas Schengen en Algérie, au Maroc et en Tunisie, pour les inciter à mieux contrôler l’immigration illégale. Une décision sur laquelle la France est finalement revenue.
L’Algérie était accusée de n’avoir, en 2021, accordé qu’une trentaine de laissez-passer consulaires alors que le ministère français de l’Intérieur assurait avoir délivré 7 735 obligations de quitter le territoire (OQTF) à des ressortissants algériens. Tebboune avait alors accusé Paris d’avoir menti et répondu qu’« il n’y a jamais eu 7 000 migrants irréguliers de nationalité algérienne. La France n’a jamais évoqué plus de 94 cas ».
Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a prévu de se rendre en France en mai pour une visite d’État. D’ici là, les relations entre Paris et Alger se seront-elles apaisées ?