Les activités minières destructrices dans les zones protégées de RDC sont monnaie courante car elles génèrent de l’argent pour les citoyens, les fonctionnaires et les groupes armés.
Les provinces orientales de la République démocratique du Congo (RDC), touchées par le conflit, abritent de nombreuses aires protégées. Ces zones abritent une biodiversité unique et plusieures espèces menacées, comme l’okapi, l’éléphant de forêt et le gorille de montagne. Elles font également partie de la forêt tropicale du bassin du Congo, qui constitue une ligne de défense cruciale contre le changement climatique.
Ces mêmes zones protégées regorgent de gisements de minerais d’importance mondiale, notamment d’or, de coltan et de cassitérite.
L’exploitation minière est très répandue dans ces zones, y compris dans la réserve naturelle d’Itombwe, le parc national de Maiko et la réserve de faune à okapis.
La plupart de ces mines sont des mines artisanales à forte intensité de main-d’œuvre, qui utilisent des technologies de base. Toutefois, ces dernières années, on a constaté une forte augmentation de l’exploitation minière semi-industrielle, qui nécessite un capital de départ important pour l’achat de technologies intermédiaires, telles que des dragues et des pompes.
Les deux formes d’exploitation minière ont des impacts négatifs sur la conservation de la biodiversité. Les effets directs comprennent la déforestation, la dégradation des sols et la pollution de l’eau.
Des effets plus indirects découlent de la construction de nouvelles routes pour rendre les sites miniers accessibles, et de la croissance de la population à proximité des mines. Cela entraîne une exploitation accrue des ressources naturelles, comme l’extraction de bois de chauffage et de construction, la chasse à la viande de brousse et l’agriculture itinérante.
Cette exploitation minière destructrice dans les zones protégées se déroule souvent avec la complicité d’acteurs armés étatiques et non étatiques, qui s’approprient une partie des revenus. Des milliers de personnes dépendent également de ces activités minières pour leur subsistance.
L’importance économique de l’exploitation minière rend difficile l’arrêt de l’extraction dans les zones protégées. Elle est également au cœur des liens complexes entre l’exploitation minière, les conflits armés et la protection de l’environnement dans l’est de la RDC. Notre étude a cherché à saisir ces liens, ce qui est crucial pour concevoir des mesures efficaces de sauvegarde des aires protégées.
Sur la base de recherches dans les réserves d’Okapi et d’Itombwe, nous avons constaté que l’exploitation minière suscite des conflits entre les différents démembrements de l’État, entre les entrepreneurs et les populations locales, et entre les mineurs artisanaux et semi-industriels. Dans un environnement militarisé, ces conflits peuvent déclencher des violences.
Moyens de subsistance et enrichissement
L’exploitation minière est très répandue dans les zones protégées car elle génère des revenus pour les citoyens, les fonctionnaires et les acteurs armés.
Les barrières d’entrée sont faibles et les revenus des mineurs sont plus élevés que ceux de groupes comparables de la population. Pour de nombreuses familles, l’exploitation minière est l’une des rares opportunités de mobilité sociale.
Les revenus miniers permettent également de compléter les maigres salaires de nombreux administrateurs, soldats et autres fonctionnaires de l’État. En RDC, les salaires officiels des agents de l’État sont faibles ou restent impayés. La plupart de ces travailleurs gagnent de l’argent à côté et soutirent des revenus aux citoyens par le biais de diverses formes de taxes, de frais de protection et d’extorsion. Ils subissent également des pressions de la part de leur hiérarchie, qui attend une part de ces revenus.
Les fonctionnaires du Service d’assistance et d’encadrement de l’exploitation minière artisanale et à petite échelle (SAEMAPE) et le ministère provincial des Mines taxent souvent les activités minières dans les aires protégées. Les forces armées congolaises s’enrichissent aussi considérablement en protégeant cette exploitation minière, qui est interdite dans la plupart des zones de conservation. Les groupes armés en profitent également en imposant des taxes sur les sites miniers et aux barrages routiers.
L’augmentation récente de l’exploitation minière semi-industrielle, souvent dirigée par des entrepreneurs chinois, a considérablement profité à l’armée congolaise. Les officiers supérieurs qui protègent ces opérations minières déploient des unités de l’armée pour garder les installations et interdirent l’accès à la zone aux visiteurs indésirables.
L’administration minière a également profité de cette évolution. Par exemple, le Cadastre minier, l’agence responsable de l’émission et de la gestion des titres miniers, a commencé à faire circuler une nouvelle carte de la réserve de faune à okapis avec un périmètre différent. Cela a permis à l’agence de délivrer des concessions à l’intérieur des limites de la réserve, tout en soutenant qu’elles sont situées à l’extérieur de celle-ci.
Provoquer le conflit
L’exploitation minière étant lucrative pour de nombreuses personnes, nos recherches montrent qu’elle a des effets d’entraînement considérables sur la dynamique des conflits.
Tout d’abord, l’exploitation minière crée des frictions entre les différents services de l’État et les différents niveaux administratifs. Le ministère de l’Environnement a contesté la nouvelle carte de la réserve de faune à okapis diffusée par le Cadastre minier. Le gouverneur et le ministère des mines de la province du Sud-Kivu ont pris des mesures pour réglementer l’exploitation minière semi-industrielle par des sociétés chinoises autour de la réserve d’Itombwe. Ces mesures ont cependant été stoppées par les autorités nationales qui ont affirmé que celles au niveau provincial n’avaient pas les attributions pour le faire.
Sur le terrain, l’exploitation minière semi-industrielle a déclenché des conflits en provoquant le déplacement parfois violent des mineurs artisanaux. Cela a conduit certains d’entre eux à rejoindre des groupes armés, ou à une recrudescence du banditisme violent.
L’exploitation minière semi-industrielle a également entraîné des désaccords entre les sociétés minières et les populations locales concernant les investissements sociaux, l’emploi et les compensations pour la destruction des champs agricoles.
Combinés à la concurrence pour l’accès aux revenus, ces conflits ont contribué à une vague d’attaques de groupes armés contre les opérations minières chinoises.
Pas de solutions faciles
L’implication de hauts fonctionnaires et l’importance des revenus miniers font qu’il est difficile d’empêcher l’exploitation minière destructrice dans les zones protégées.
En outre, la fermeture par la force des exploitations minières artisanales sans offrir d’autres possibilités de gagner sa vie s’est souvent avérée contre-productive. Les mineurs déplacés peuvent tout simplement retourner sur les sites miniers, obtenant parfois l’aide de groupes armés pour ce faire, parfois avec l’aide de groupes armés.
Lorsque les groupes armés et les unités de l’armée perdent les revenus qu’ils tirent de l’exploitation minière, ils peuvent recourir à d’autres moyens pour se procurer de l’argent, comme le banditisme violent.
Le fait que différents services de l’État soient en désaccord les uns avec les autres pose d’autres difficultés. Il est impossible de freiner ou de mieux réglementer l’exploitation minière dans les zones protégées lorsque les autorités nationales et provinciales ne suivent pas la même politique ou lorsque les militaires violent les restrictions imposées par les autorités civiles.
L’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN), qui est responsable de la gestion des aires protégées, n’a pas le poids politique et les ressources nécessaires pour faire la différence.
Par exemple, la réserve de faune à okapis couvre plus de 13 000 kilomètres carrés, mais l’ICCN ne dispose pas de suffisamment de gardes forestiers. Ils n’effectuent des patrouilles régulières que dans 15 % de cette zone. Dans certaines zones, il a été constaté que le personnel de l’ICCN était complice de l’exploitation illégale des ressources.
Prochaines étapes
Que peut-on faire alors pour améliorer cette situation ?
Pour commencer, il est important de faire la différence entre l’exploitation minière semi-industrielle et artisanale. L’exploitation minière semi-industrielle, en particulier le dragage de l’or, est plus destructrice pour l’environnement et profite à moins de personnes. Il est plus urgent et plus facile de l’interdire dans les zones protégées.
Il semble difficile d’interdire l’exploitation minière artisanale, par conséquent une meilleure réglementation et un meilleur contrôle serait une stratégie plus efficace à court terme. C’est ce qui s’est passé dans la réserve naturelle d’Itombwe, où les activités minières artisanales sont encore autorisées dans certaines parties.
Il est également crucial que les différentes agences et services de l’État coopèrent. Pour promouvoir cette collaboration, les donateurs internationaux qui soutiennent la réforme de l’administration et du secteur de la sécurité doivent faire passer le message selon lequel il est inacceptable de tirer profit de l’exploitation minière dans les zones protégées.
Toutefois, c’est au gouvernement congolais qu’il incombe en dernier ressort de veiller à ce que les fonctionnaires soient correctement payés et respectent la loi.
Judith Verweijen, Assistant professor, University of Groningen; Fergus O’Leary Simpson, Postdoctoral research fellow, University of Antwerp, and Peer Schouten, Senior researcher, Danish Institute for International Studies
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.