Libéré ce mardi, le journaliste de Dakar Matin, Pape Alé Niang, est toujours accusé d’avoir diffusé des « informations de nature à nuire à la défense nationale ». Entre la présidence sénégalaise et la presse, les relations ne sont pas au beau fixe.
C’était en 2015. Macky Sall, alors président depuis trois ans, s’engageait « à travailler pour la dépénalisation des délits de presse ». Il assurait : « Vous ne verrez jamais, pendant ma gouvernance au Sénégal, un journaliste mis en prison pour un délit de presse ». Avant de nuancer : « C’est normal, lorsqu’on intervient sur une matière qui touche à la sécurité nationale, on doit être interpellé. Ce n’est pas parce qu’on est journalistes qu’on est au-dessus des lois ».
Mais l’affaire Pape Alé Niang vient contredire les propos du président sénégalais. Le journaliste et patron du site d’information Dakar Matin avait, le 9 novembre dernier, été inculpé et écroué. Il était reproché à Pape Alé Niang d’avoir publié des messages confidentiels décrivant le dispositif sécuritaire qui entourait l’interrogatoire d’Ousmane Sonko, l’opposant accusé de viols, le 3 novembre dernier.
Les autorités sénégalaises ont accusé le journaliste d’avoir diffusé des « fausses nouvelles » et des « informations de nature à nuire à la défense nationale ». Des charges, selon la Coordination des associations de presse (CAP), « fantaisistes et politiques ». Après deux mois de prison — le journaliste avait été libéré, puis remis en prison pour avoir évoqué publiquement cette affaire —, le journaliste a été libéré hier, mais reste sous contrôle judiciaire. Une première « victoire », selon la CAP, qui estime que « l’heure est à la seconde phase du combat : l’annulation des charges » qui pèsent contre Pape Alé Niang.
Mobilisation des journalistes, à un an de la présidentielle
L’affaire a en tout cas éclaboussé le pouvoir en place. Nombreux sont les journalistes, au Sénégal mais également à l’international, qui ont apporté leur soutien à Pape Alé Niang. Ce dernier s’est lancé, pendant sa détention, dans une grève de la faim qui a un peu plus médiatisé son affaire. Le journaliste est hospitalisé. « C’était un combat de principe qu’il menait et qu’il a gagné », ont estimé ses avocats.
La détention du patron de Dakar Matin a relancé le débat sur la liberté de la presse au Sénégal, à l’aube de la présidentielle de 2024. Le Sénégal point à la 73e — sur 180 — au classement sur la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF). La semaine dernière, 78 journalistes africains s’étaient mobiliser pour réclamer la libération de leur confrère.
Pour Sadibou Marong, journaliste sénégalais, directeur du bureau Afrique de l’Ouest de RSF, interrogé par France 24, « cette affaire représente une menace pour la profession, et plus globalement pour la liberté d’expression dans le pays, d’autant plus qu’elle intervient dans un contexte politique particulier, à un an de l’élection présidentielle. C’est un message adressé à tous les journalistes et une manière d’étouffer la liberté de la presse ».