L’ex-président comorien Sambi refuse de participer à son procès devant la Cour de sûreté, qu’il estime être un instrument du pouvoir. Dans plusieurs pays africains, des cours spéciales ont été mises en place pour juger des opposants ou des anciens dirigeants devenus gênants.
Aux Comores, l’ancien président Ahmed Abdallah Sambi, qui a été au pouvoir de 2006 à 2011, est en détention provisoire depuis maintenant plus de quatre ans. Son procès a débuté lundi, avant d’être ajourné. Ce mardi, les débats devant la Cour de sûreté de l’État reprendront. Mais l’ex-chef de l’État ne participera pas à ce procès. Sambi refuse en effet d’être jugé par cette cour, qu’il juge partiale et au service du pouvoir en place. Pour l’un de ses avocats, « juger Sambi à la Cour de sûreté le prive de toutes voies de recours », les décisions de cette juridiction étant sans appel. D’autant que, jugé pour « haute trahison », l’ancien président des Comores risque très gros, alors qu’il était initialement poursuivi pour des faits de détournements de fonds.
« La composition du tribunal est illégale, je ne veux pas être jugé par cette cour », a lancé, avant le début des débats, Ahmed Abdallah Sambi. Les avocats de l’ex-président estiment même, plus globalement, la procédure arbitraire : Sambi est en effet en détention provisoire depuis plus de quatre ans, là où la loi limite à huit mois le délai autorisé. Dans l’entourage de l’ancien chef de l’État, on fustige le changement de cap de la fameuse Cour de sûreté : l’accusation de « haute trahison » permettrait en effet, selon les proches de Sambi, de maintenir illégalement ce dernier derrière les barreaux. D’autant que les déclaration de l’homme d’affaires Bachar Kiwan, qui assure avoir été contacté par le gouvernement comorien pour faire un « faux témoignage » contre Sambi, sèment le doute.
Comme en France en 1963
La Cour de sûreté serait-elle un instrument au service du pouvoir ? Assurément. Les Comores ne sont d’ailleurs pas le seul pays à avoir mis en place un juridiction spéciale qui permet, grâce à des accusations d’atteinte à la sûreté de l’État ou de trahison, de faire taire un opposant ou un ancien dirigeant politique. On se souvient, en 2000, qu’Alpha Condé, qui n’était alors qu’un opposant au régime de Lansana Conté, avait été condamné à cinq ans de prison par la Cour de sûreté de Conakry pour « atteinte à l’autorité de l’État et tentative de déstabilisation du pays depuis l’étranger ». « Les accusations de tentative de coup d’État, d’atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de l’Etat, de collusion avec les puissances étrangères, de participation à des groupes armés, d’incitation à l’insurrection ou d’outrage au chef de l’État » sont, estime la chercheuse Christine Deslaurier, « des infractions surutilisées » par les gouvernants africains.
Des cours de justice discutables, qui permettent d’emprisonner et de juger de façon expéditive, sans avoir à fournir outre mesure des preuves tangibles. Au Bénin, la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet) est un instrument politique en faveur de Patrice Talon. En RDC, l’ordonnance-loi n°300 du 16 décembre 1963 punit les offenses envers le chef de l’État. Aux Comores, donc, il s’agit d’une Cour de sûreté. Une juridiction calquée sur ce que la France proposait autrefois. En 1963, Paris s’était en effet doté d’une Cour de sûreté de l’État après les attentats de l’Organisation de l’armée secrète (OAS). Il s’agissait, à l’époque, d’emprisonner les adversaires de l’Algérie française. En 1981, quand François Mitterrand est arrivé au pouvoir, il a rapidement décidé de supprimer cette cour qui, selon lui, permettait des « recours abusifs au délit d’offense au chef de l’État ».