Approché par Wagner, le Burkina Faso a été apostrophé par le Parlement européen, qui estime que le nouveau président de la Transition ne doit pas succomber aux sirènes de Moscou.
C’était il y a un mois. Alors que le capitaine Ibrahim Traoré venait de déposer le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, le fondateur du groupe paramilitaire russe Wagner, Evgueni Viktorovitch Prigojine, félicitait le putschiste, estimant que « jusqu’en janvier dernier, le peuple du Burkina Faso était sous le joug des colonialistes qui pillaient le peuple » avant la prise de pouvoir par les militaires. Mais, malgré les espoirs placés en lui, « Damiba n’a pas su se montrer à la hauteur de la confiance des jeunes officiers, qui ont finalement suivi le capitaine Ibrahim Traoré », a poursuivi Prigojine.
Un appel du pied évident, qui n’est pas passé inaperçu, notamment en Europe où l’on voit d’un mauvais œil l’implantation de Wagner dans certains pays comme la République centrafricaine ou le Mali. Selon l’agence de presse turque Anadolu, le Parlement européen a « déconseillé » au capitaine Traoré, désigné président de la Transition, dont la lutte contre le terrorisme est la priorité, de faire appel aux services de Wagner.
Une résolution du Parlement européen indique que l’organe se dit « profondément préoccupé par les activités du groupe russe Wagner dans la région du Sahel et conseille vivement aux autorités burkinabè de ne pas recourir au groupe Wagner pour former leur armée ou parvenir à la stabilité ». Et les parlementaires européens de poursuivre : « Le recours à des entreprises militaires privées telles que le groupe Wagner va à l’encontre de l’objectif d’apporter la paix, la sécurité et la stabilité au Burkina Faso et au Sahel ».
Selon le Parlement européen, le groupe Wagner aurait engagé des démarches officielles pour approcher le nouveau président du Burkina Faso. L’entreprise russe aurait « proposé de former l’armée du pays dans sa lutte » contre le terrorisme.
Le Premier ministre pas fermé à revoir son partenariat avec Moscou
L’organe européen sera-t-il entendu ? Si Traoré reste proche de la France, la condamnation de son coup d’État par le Parlement européen pourrait l’inciter à réfléchir. D’autant que, sur place, les populations restent peu favorables à l’Europe, et en particulier à la France. Le Parlement européen a d’ailleurs condamné les attaques contre l’ambassade de France et l’Institut français à Ouagadougou.
Au-delà de Wagner, c’est la Russie que vise l’Europe. Le Parlement se dit « préoccupé par le volume croissant de campagnes de désinformation russes malveillantes au Burkina Faso ». Mais pour le nouveau Premier ministre de la Transition Apollinaire Joachim Kyélem de Tambela, il ne faut écarter aucune option. « Toute coopération qui contribue à renforcer la souveraineté du Burkina Faso et à améliorer les conditions de vie des Burkinabè est la bienvenue, d’où qu’elle vienne », a indiqué le Premier ministre.
En août dernier, alors qu’il était simple observateur de la vie politique locale, il assurait pourtant qu’« il ne faut pas rompre avec la France pour la Russie ». Assurant que « la Russie est plus exploiteuse que la France ». Le futur Premier ministre avançait alors les exemples de la Somalie, de l’Éthiopie ou encore de l’Angola pour appuyer ses propos.
Mais depuis sa prise de fonctions, le Premier ministre semble plus apte à négocier avec Moscou. « Peut-être qu’avec la nouvelle donne sécuritaire, nous réexaminerons nos rapports avec la Russie pour voir s’il faut la renforcer dans un secteur ou pas, s’il faut la réorienter dans l’intérêt du Burkina Faso et dans le respect de sa souveraineté », indiquait-il récemment.