Une jeune Marocaine de 15 ans est décédée alors qu’elle tentait d’avorter après avoir été violée. De quoi relancer le débat sur le viol dans un royaume où règne trop souvent l’impunité.
Meriem avait 15 ans. L’adolescente, qui vivait à proximité de Midelt. dans le centre du Maroc, a été violée par un homme âgé de 25 ans. Tombée enceinte, la jeune femme est morte le 6 septembre dernier, alors qu’elle tentait d’avorter clandestinement.
À l’initiative du Mouvement du Manifeste des Hors la Loi, initié par le Collectif 490, les messages envers les autorités du royaume se multiplient, depuis le 6 septembre, sur les réseaux sociaux. Le collectif a été lancé en 2019, après qu’une journaliste, Hajar Raissouni, a été arrêtée, accusée d’« avortement illégal » et de « relations sexuelles hors mariage ». Il désire désormais dénoncer l’impunité des violeurs, jugeant que les lois marocaines sont trop laxistes sur ce sujet.
Un Code du statut personnel trop laxiste ?
En 2021, le parlement marocain avait bien adopté une loi pénalisant les violences faites aux femmes. Il était alors question, selon le ministère de la Famille, de considérer certains actes comme « des formes de harcèlement, d’agression, d’exploitation sexuelle ou de mauvais traitement » et de durcir les sanctions. La Moudawana, le Code du statut personnel qui régit le droit de la famille, était jusque alors inadapté, selon la société civile, et ce malgré sa révision en 2004 par le roi Mohammed VI.
Mais le texte parlementaire n’avait pas été jugé suffisant par les différentes ONG. Le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI) avait affirmé que la loi « ne criminalise pas le viol conjugal et ne protège aucunement les femmes ».
Le viol est un véritable fléau au Maroc. Une étude du ministère de la Famille affirme qu’une femme marocaine sur deux assure avoir été victime de violences, et que dans 30 % des cas, il s’agit d’un viol. Un chiffre impressionnant qui montre que le viol est une réalité, omniprésente au sein de la société marocaine.
Plusieurs organisations ont décidé de combattre le viol et de dénoncer les lacunes judiciaires sur ce thème. Comme le studio créatif Jawjab, qui a lancé en 2018 un websérie baptisée « Marokkiat », qui dénonce les violences sexuelles, le harcèlement de rue ou encore les mariages de mineures.
Un « deuil national en ligne » pour Meriem
En 2021, la militante Nouzha Skalli déplorait la modification parlementaire de la loi en indiquant que celle-ci « ne modifie que quelques articles du Code pénal, alors que celui-ci reste fondamentalement basé sur des concepts obsolètes, comme l’atteinte à la pudeur publique ou la pénalisation des relations sexuelles hors mariage ».
Le cas de Meriem, loin d’être isolé, sert désormais d’exemple pour les femmes qui luttent pour une meilleure prise en compte des victimes. La réalisatrice Sonia Terrab estime qu’il faut une pression populaire pour pousser à des modifications de la loi. « Tant qu’il n’y a pas la pression sociale, tant qu’il n’y a pas la pression de l’opinion publique et de la société civile, j’ai peu d’espoir que ça change. Il faut que la pression vienne aussi des gens, parce que sinon ils vont rester aussi paralysés ». Après avoir organisé un « deuil national en ligne », le Collectif 490 espère désormais que les choses bougeront.