Alors que le président français appelle les pays non-alignés à se positionner contre la Russie, la présidente de la Commission européenne attise les flammes de la guerre.
Ceux qui ne sont pas ouvertement avec nous sont contre nous. Voilà, en substance, le message adressé le 20 septembre dernier par Emmanuel Macron, le président français, à la tribune de l’Organisation des Nations unies. L’objectif du chef de l’État a été de convaincre les pays « neutres » de ne plus se taire et de choisir leur camp, entre l’Ukraine et la Russie. Autrement dit entre le bloc occidental et Moscou.
Pour tenter de mieux convaincre, Emmanuel Macron a agité la menace russe au-dessus des têtes africaines. La Russie, a-t-il prévenu, « a délibérément violé la charte des Nations unies et le principe d’égalité des États » et « a décidé ce faisant d’ouvrir la voie à d’autres guerres d’annexion, en Asie, en Europe, et peut-être demain en Afrique et en Amérique latine ».
« Ceux qui se taisent aujourd’hui servent la Russie »
Et le président de poursuivre avec une phrase étonnante. Pointant une certaine faiblesse des pays africains. « Ceux qui se considèrent comme forts cherchent à soumettre par tous les moyens ceux qui sont faibles », a poursuivi Emmanuel Macron.
Avant de fustiger les pays non-alignés : « Qui voudrait mimer le combat des non-alignés se trompe lourdement : ceux qui se taisent aujourd’hui servent malgré eux, ou secrètement avec une certaine complicité, la cause d’un nouvel impérialisme, d’un cynisme contemporain qui désagrège notre ordre international sans lequel la paix n’est pas possible », a-t-il estimé. Autrement dit, ne pas se positionner pour l’Occident, c’est s’y opposer et soutenir Moscou.
Drôle de façon de voir les choses. Le conflit Russie-Ukraine a signé le renouveau des pays non-alignés. Nombreux sont les États, notamment africains, à ne pas avoir voulu s’associer aux sanctions. Mais depuis les scrutins à l’ONU, l’Occident met une pression énorme sur l’Afrique pour tenter de créer un alignement en sa faveur. Ainsi, Washington a réussi à faire plier l’Ouganda, qui comptait nouer un partenariat économique avec Moscou. Pourtant, Museveni n’est jamais le premier à critiquer l’arrogance occidentale et à rappeler qu’il est souverain en son propre pays.
L’Occident, le camp de la fausse démocratie
La sortie de Macron n’est pas du goût des pays africains qui y voient un néocolonialisme dont ils se passeraient bien. Le président français veut à tout prix impliquer l’Afrique dans une Guerre froide — dont le continent ne veut pas — et la rallier à la cause américaine. Or, « de nombreux États du Sud restent dubitatifs face à la volonté proclamée par Joe Biden d’incarner le camp de la démocratie sur la scène internationale. Outre le fait que la crédibilité de Biden est entachée par le fait qu’il a voté en faveur de l’invasion de l’Irak, la démocratie américaine a régulièrement démontré toutes ses limites et outrances avec Donald Trump, a consterné le monde lors de l’invasion du Congrès le 6 janvier 2021 et suscite l’horreur par les tueries de masse perpétrées par des fous sanguinaires qui ensanglantent ses villes chaque semaine », rappelle Jean-Luc Maurer, Professeur honoraire en études du développement.
L’Afrique ne veut pas être le faire-valoir de l’Occident dans cette nouvelle Guerre froide, après avoir fait les frais de celle qui a débuté dans les années 1960. Car « entre 1960 et 1989, l’Afrique est sacrifiée aux enjeux stratégiques de la guerre froide », alors que la plupart des pays viennent d’obtenir leur indépendance, rappelle Victor Battaggion, du magazine Historia.
L’Europe veut sa guerre contre la Russie
D’autant que, pendant qu’Emmanuel Macron somme les pays africains de s’aligner derrière les positions occidentales, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, jette de l’huile sur le feu. « Je sais que certains appellent à la fin des combats, mais je dois dire que la réalité est telle : si la Russie arrête de combattre, la guerre est finie, si l’Ukraine arrête de combattre, il n’y aura plus d’Ukraine », indique la cheffe de l’exécutif européen qui rejette donc tout cessez-le-feu.
Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen jouent-ils à « Good cop, bad cop » ? Pendant que le premier demande le soutien de l’Afrique, la seconde la joue va-t-en-guerre. Et la présidente de la Commission européenne d’en remettre une couche en direction de l’Afrique : « Il y a beaucoup en jeu, pas seulement pour l’Ukraine mais aussi pour l’Europe, pour la communauté internationale et pour l’ordre mondial », assure-t-elle.
À écouter les deux leaders européens, l’Afrique devrait donc s’aligner sur les positions de Bruxelles et accepter les conséquences d’une guerre qui risque d’être interminable.