L’OMS vient de recommander les médicaments Ebanga et Inmazeb pour traiter les patients atteints d’Ebola mais, en raison de son inaccessibilité, invite les industriels à investir dans la production de ces traitements.
L’OMS a émis le 19 août dernier des « recommandations fortes » pour l’utilisation de deux médicaments dans le traitement de la maladie à virus Ebola (MVE).
Il s’agit d’une part du mAb114, connu aussi sous les noms d’Ansuvimab et d’Ebanga, et d’autre part du REGN-EB3, vendu sous le nom d’Inmazeb. Ce sont deux médicaments de la catégorie des anticorps monoclonaux.
Pour justifier cette recommandation, les experts de l’OMS affirment dans le document qu’ils ont produit à cette occasion que par rapport à la prise en charge standard, le bénéfice absolu du mAb114 sur la mortalité est comprise entre 229 et 383 décès de moins pour 1000 patients.
Tandis que celui du REGN-EB3 est de 237 à 396 décès de moins pour 1000 patients. Ce qui, juge l’organisation, « est une réduction importante de la mortalité. »
« mAb114 et REGN-EB3 ne doivent pas être administrés ensemble, et doivent être considérés comme des alternatives. Le choix d’utiliser mAb114 ou REGN-EB3 est fonction de leur disponibilité », précise l’OMS tout en soulignant que la recommandation de ces traitements ne vaut que pour la maladie causée par la souche zaïre du virus Ebola.
Ces deux produits ne sont pas nouveaux. Par exemple, l’essai clinique concluant pour Ebanga en RD Congo remonte à 2019, les homologations au Canada et aux Etats-Unis, à 2020.
Mais pour Mulangu Sabue, superviseur du groupe d’études d’immunologie a INRB (Institut national de recherche biomédicale) en République démocratique du Congo (RDC), ces recommandations sont une consécration.
« L’annonce de l’OMS conforte davantage la découverte et rassure les populations exposées au virus en RDC et partout ailleurs où la maladie est endémique », dit-il.
Toutefois, que ce soit pour le mAb114 ou le REGN-EB3, l’OMS craint que l’accès difficile accès médicaments n’atténue l’impact de ses nouvelles recommandations.
« L’accès à ces traitements est difficile, et les prix de l’approvisionnement futur demeurent inconnus, en particulier dans les régions à ressources limitées », prévient le GDG (groupe d’élaboration des lignes directrices) de l’OMS.
Pour y faire face, l’organisation qui souhaite « mobiliser tous les mécanismes possibles visant à améliorer l’accès mondial à ces traitements » espère susciter davantage d’investissements.
Ainsi, « le 5 octobre 2021, l’unité Préqualification de l’OMS a publié la première invitation pour les fabricants de produits thérapeutiques contre la maladie à virus Ebola à soumettre une expression d’intérêt », peut-on lire dans le document intitulé « Traitements contre la maladie à virus Ebola » publié le 19 août 2022.
Sixième épidémie
En proie actuellement à sa sixième épidémie d’Ebola depuis 2018, la RDC est un pays vulnérable à la maladie. Son immense forêt abrite la chauve-souris considérée comme réservoir de la MVE.
Pourtant, il y a de la sérénité chez les experts locaux : « Par rapport à l’accès au traitement anti-Ebola notamment Ebanga, la RDC se trouve dans une position particulièrement favorable », affirme Mulangu Sabue qui avait contribué aux travaux de recherche sur ce monoclonal.
Ce dernier explique cette sérénité par une convention avec Ridgeback Biotherapeutic, la firme américaine qui détient la licence de production du mAb114 et qui « a garanti à la RDC l’accès permanent d’Ebanga ».
Pour sa part, Billy Sivahera qui a dirigé auparavant l’ONG ALIMA (Alliance for International Medical Action) et qui connaît les difficultés des zones qui ont été affectées par la MVE, pense que l’efficacité des recommandations de l’OMS dépend étroitement du système de santé local.
« Cela dépendra donc du niveau de leadership et de gouvernance du système de santé, de la qualité et de la quantité des ressources humaines, du financement du secteur de la santé, de la disponibilité des médicaments, du niveau des technologies, de prestations des services de soins et de l’engagement des populations à soutenir cette recommandation ».
En attendant, Mulangu Sabue préfère pointer les progrès réalisés : « Comparativement à la période 2008-2018, la RDC est maintenant dotée de laboratoires de diagnostic et de séquençage permettant la confirmation rapide des épidémies, d’en définir la souche virale et de décrire la relation par rapport aux épidémies passées ».
Cet immunologiste concède que le pays est limité et ne peut pas toujours organiser la réponse rapide nécessaire pour assurer l’efficacité de la riposte. « Nous devons nous assurer que nous sommes en mesure d’acheminer ces traitements à temps à ceux qui en ont le plus besoin… Cela demande une préparation logistique en termes de chaine de froid, par exemple, qui a un important coût financier », dit-il.
Billy Sivahera estime également que les investissements de ces dernières années en sciences médicales (vaccins, traitements, équipements…) ont permis une réduction sensible de la mortalité liée à la MVE.
« Cependant les mêmes efforts auprès des populations, des systèmes de santé et autres acteurs multisectoriels seront conditionnels de leur réelle efficacité », suggère-t-il.
Le médecin met en avant le contexte des multi-épidémies connues ou émergentes qui peut constituer un facteur défavorable alors que l’OMS veut qu’Ebola soit classé comme « maladie aiguë et à long terme ».
Cet article a été publié sur la version française de SciDev.net et est reproduit avec leur autorisation.