Selon les experts réunis le vendredi, 29 juillet à l’occasion d’un webinaire organisé par SciDev.Net sur la question de la consommation des médicaments périmés, une seule raison plausible peut expliquer le recours des patients à des médicaments arrivés à expiration : c’est l’indisponibilité des médicaments recherchés.
Dès lors, des efforts s’imposent concernant la gestion des stocks de médicaments sur le continent. Prosper Hiag, président de l’African pharmaceutical forum (APF) confie que son organisation a essayé de résoudre ce problème en créant des centrales d’achat dans 14 pays d’Afrique francophone.
Une démarche qui a permis d’avoir des traitements dans les hôpitaux, d’établir une liste de médicaments essentiels et de promouvoir les génériques.
A en croire le pharmacien, cette stratégie a obtenu de bons résultats jusqu’à ce que les « problèmes de gouvernance s’en mêlent ». « Aujourd’hui, les centrales d’achat sont au bord du précipice », déplore Prosper Hiag.
Au-delà de la gestion des stocks, Aissatou Sougou, administratrice technique pour les médicaments essentiels et produits de santé à l’OMS Afrique, souligne que l’épidémie de la COVID-19 a mis à nu la vulnérabilité des pays qui produisent peu de médicaments.
En conséquence, dit-elle, il est urgent d’avoir une production pharmaceutique africaine faite par les Africains et pour une consommation africaine.
En effet, Adanvo Isaac Hougnigbe, médecin de santé publique au Bénin, estime à seulement 1% la part de médicaments produits en Afrique dans les médicaments consommés sur le continent.
Ce qui signifie que 99% de ces produits viennent d’ailleurs et sont fabriqués bien loin des réalités africaines comme le climat et l’environnement.
Conditions de stockage
Or, de l’avis des panélistes, il n’y a pas que la date de péremption d’un produit qui peut affecter son efficacité; mais il y a aussi les conditions de son stockage et de sa conservation.
C’est le cas par exemple de l’Aspirine qui se dégrade rapidement dans l’air humide. « Dans un comprimé de 200 milligrammes, on ne retrouve plus que 2,28 milligrammes de principe actif un an après la date de péremption. De plus l’aspirine subit une réaction d’hydrolyse et se transforme en acide salicylique qui peut provoquer des maux d’estomac », explique Adanvo Isaac Hougnigbe.
C’est aussi le cas de l’ocytocine qu’on prescrit au patient pour prévenir les hémorragies post-partum. « En principe, un seul comprimé suffit; mais dans certains pays, on a remarqué que même un surdosage de 5 comprimés n’avait pas d’effet », fait savoir Aïssatou Sougou.
Avec le temps, poursuit-elle, « on s’est rendu compte que ce médicament qui se conserve entre 2 et 8 degrés Celsius s’était dégradé du fait de sa mauvaise conservation », poursuit-elle.
Toutefois, sur ce point, Aissatou Sougou rassure en soulignant que l’OMS a mis en place un programme de requalification afin de vérifier la stabilité d’un médicament selon les zones.En outre, SciDev.Net apprend qu’en outre, l’organisation conseille, dans le cas où les pays ne sont pas sûrs de disposer des conditions adéquates pour conserver ou stocker des médicaments, de commander des génériques dont ils peuvent conserver la stabilité.
Elle encourage enfin les États africains à renforcer leurs compétences pour pouvoir lire les dossiers des fournisseurs afin de choisir eux-mêmes les traitements qui sont les mieux adaptés.
Mais quel que soit le conditionnement, le stockage ou sa conservation, les experts présents à ce webinaire déconseillent formellement la consommation de médicaments périmés.
La pharmacienne béninoise Alix Ahlonsou qui a participé aux échanges, martèle que « il faut s’en tenir à l’étude de stabilité du fournisseur qui fixe la date de péremption. Car, passé ce délai, personne, ni le médecin ni fabricant ne peut répondre des effets des produits »…
Cet article a été publié sur la version française de SciDev.net et est reproduit avec leur autorisation.