Seize mois après son arrivée à la présidence, Samia Suluhu Hassan est toujours en état de grâce. La Tanzanienne est soutenue par la majorité de ses citoyens. La présidente représente la fin de l’ère excentrique de son prédécesseur, et réussit à diriger le pays d’une main de fer tout en unissant.
Avant le décès de l’ancien président de la Tanzanie, John Magufuli, le pays ne ressemblait en rien à ce qu’il est aujourd’hui. Si le défunt chef d’Etat était très populaire en Afrique, en raison de sa ligne diplomatique anti-Occident, celle qui lui a succédé à son décès, Samia Suluhu Hassan, l’est encore plus. Mais pour d’autres raisons…
En effet, la Zanzibarienne est en passe de transformer le pays. Un constat pas uniquement partagé par ses partisans. Les opposants le savent : Samia Suluhu Hassan a réussi son pari.
Aujourd’hui, le parti présidentiel Chama cha Mapinduzi (CCM) est sans équivoque sous le contrôle total de « Mama Samia ». Ce qui a grandement contribué à étouffer le régionalisme rampant entre la partie continentale et l’archipel de Zanzibar, les différends ethniques et religieux, les considérations sexistes et racistes… En résumé, les Tanzaniens adorent leur présidente et font leur part du travail pour transformer le pays.
Un concept presque inexistant en politique, en Afrique ou ailleurs.
Les chantiers de Samia Suluhu Hassan
Les raisons de ce plébiscite sont nombreuses. Samia Suluhu Hassan a, en premier lieu, subtilement nettoyé l’administration tanzanienne des responsables jugés corrompus. Des ministres de la Santé, de l’Energie et de l’Education de Magufuli, en passant par les gouverneurs indéboulonnables du sud du pays, sans épargner les cadres historiques du CCM, ont tous été écartés. A leurs places, Samia Suluhu a nommé des responsables jeunes, parfois issus de l’opposition. Une administration de technocrates qui a, en l’espace de quelques mois, imposé des réformes historiques.
Parmi ces dernières, un « cursus anglo-saxon » dans les lycées et les universités, qui a grandement allégé la charge des heures d’études et réduit les branches de spécialisation. Une responsabilisation de la jeunesse du pays accueillie favorablement par la classe moyenne. Dans sa région d’origine, Samia Suluhu Hassan a aussi investi plus de 180 millions de dollars en équipements scolaires, afin de faire face à la dégradation des taux de réussite scolaires à Zanzibar.
Sur le plan de la santé, Magufuli s’opposait fermement à la vaccination contre la Covid-19, optant pour la médecine traditionnelle et souillant l’image de la Tanzanie, surtout en Occident. Samia Suluhu Hassan a déjà dépassé les 11 millions de doses de vaccin anti-Covid administrées. La Tanzanie dépasse ainsi une majorité de pays africains, alors que sa campagne de vaccination a été l’avant-dernière à démarrer sur le continent.
De plus, en coopération avec le Sultanat d’Oman et la Chine, le gouvernement tanzanien a bâti, équipé et ouvert trois hôpitaux modernes en un temps record.
En avril dernier, Samia Suluhu Hassan a également visité les Etats-Unis pour la seconde fois. Elle y aurait obtenu une promesse de financement dans le domaine de l’agriculture de la part de la vice-présidente américaine Kamala Harris. La première tranche d’un milliard de dollars a déjà été perçue et plus de 300 millions ont été investis.
Une diplomatie sans faute ?
Plusieurs projets qui montrent que Samia Suluhu Hassan ne veut pas perdre de temps. La présidente tanzanienne ne tergiverse pas. Sur le plan politique non plus, « Mama Samia » a bien clarifié sa position pour les prochaines années : elle compte se représenter lors de la présidentielle de 2025. En attendant, elle travaille.
Sur le plan diplomatique, Samia Suluhu Hassan a démontré une incroyable capacité à nouer des partenariats sans sacrifier la souveraineté tanzanienne. Il ne s’agit pas seulement de consolider les partenariats avec la Chine et les Etats-Unis uniquement. La présidente de la Tanzanie a surtout, et en priorité, réparé les rapports dégradés avec les pays voisins : Ouganda, Kenya, Mozambique, Burundi, Angola, Afrique du Sud… partout, la cheffe d’Etat tanzanienne a mis en place des accords commerciaux, diplomatiques et sécuritaires.
Même dans les pays occidentaux, Samia Suluhu Hassan est souvent accueillie en grande pompe. Au Royaume-Uni, en France, en Belgique… le passif diplomatique et le charisme de Samia Hassan font effet.
Comment expliquer autrement le deal gazier de juin dernier avec Shell et Equinor. Un mégaprojet qui a certainement déçu Total et Eni, sans pour autant fâcher les gouvernements français et italien.
Et malgré cet agenda national et international surchargé, Samia Hassan a tout de même trouvé le temps de lancer une campagne publicitaire pour le tourisme en Tanzanie. Le documentaire « Tanzania : The Royal Tour », dans lequel on aperçoit Samia Hassan visiter des attractions touristiques, cumule des millions de vues sur les plateformes Amazon et YouTube. Le tourisme dans le pays a augmenté de 34 % fin juin.
Une opposition acquise à sa cause
Des succès sur tous les plans que même l’opposition salue. Le chef de file du parti Chadema, Freeman Mbowe, pourtant emprisonné pendant 7 mois durant le mandat de Samia Suluhu Hassan, a déclaré qu’il ne serait pas contre « une future coopération en faveur du développement de la Tanzanie ». Une autre figure du Chadema et principal candidat de l’opposition en 2020, Tundu Lissu, s’est également réconcilié avec le CCM, et semble très satisfait du leadership de Samia Hassan.
Exilé en Belgique depuis 2017, lorsqu’il a subi une tentative d’assassinat — il a survécu à 16 balles —, Tundu Lissu a déclaré en mars dernier : « Je ne suis pas une pom-pom girl, mais il y a des choses que Mama Samia a commencé à bien faire. Et parce qu’elle dirige bien, nous la soutiendrons pour qu’elle le fasse encore mieux ».
La société civile semble également soutenir Samia Suluhu Hassan. Après la rencontre avec les chefs de l’opposition, l’éminente militante Sara Ezra Teri avait tweeté : « Vous devriez voir le sourire sur mon visage. (La réconciliation) réchauffe le cœur, elle (Samia Hassan) est une vraie cheffe, inégalée dans son domaine ».
Samia Suluhu Hassan bénéficie également d’un énorme soutien de la part des femmes du pays. La militante féministe, appartenant à l’opposition, Fatma Karume a déclaré : « Si Lissu est fier de toi, je suis également fière de toi SSH (Samia Suluhu Hassan, ndlr) ».
La présidente de la Tanzanie se penche dernièrement sur les nouveaux membres de l’état-major. Elle a nommé Jacob John Mkunda comme nouveau chef de l’armée. Elle a également promu de nombreux jeunes officiers, qui prendront les commandes de la sécurisation des frontières dangereuses avec la Somalie et le Mozambique.