Lors du 61e Sommet de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), les sanctions économiques et financières contre le Mali ont été levées. Les chefs d’Etat présents ont également choisi leur homologue bissau-guinéen Umaro Sissoco Embaló pour succéder à Nana Akufo-Addo à la tête de l’instance.
Après un report de toute prise de décision lors du Sommet du 4 juin dernier, les chefs d’Etat de la Cedeao se sont à nouveau réunis à Accra ce dimanche 3 juillet. Plusieurs décisions ont été prises. Concernant le Mali, la Cedeao a décidé de lever les sanctions économiques et financières imposées depuis le 9 janvier. Les calendriers de transition, avec des durées de 24 mois, proposés par le Mali et le Burkina Faso ont également été acceptés.
Quant à la Guinée, troisième pays du bloc dirigé par des militaires à la suite d’un coup d’Etat, la transition de 39 mois a été rejetée. L’ex-président du Bénin Thomas Boni Yayi a été nommé en tant que nouveau médiateur pour la Guinée. L’ancien chef de l’Etat était en ballotage avec le Ghanéen Mohamed Ibn Chambas et le Soudanais Othman Taha. Mamady Doumbouya a refusé Ibn Chambas, et Taha est confronté à des problèmes judiciaires dans son pays.
Outre ces trois dossiers, les chefs d’Etat de la Cedeao devaient choisir le successeur de Nana Akufo-Addo. Le président de Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embaló, sera le nouveau président de l’instance sous-régionale. « Tous les chefs d’Etats ont fait confiance au plus jeune président de la sous-région. Cela montre que tout le monde est solidaire avec la Guinée Bissau », s’est félicité Embaló. Le Gambien Omar Touray présidera quant à lui la Commission de la Cedeao, à la place de Jean-Claude Brou.
Quelques interrogations concernant le Mali
Embaló débute donc son mandat par un réchauffement des relations entre le Mali et la Cedeao. Mais l’instance sous-régionale a conditionné la continuité du désenclavement de Bamako par la non-participation des dirigeants actuels aux prochaines élections. Il n’est pas encore certain, pour le moment, que cette condition imposée par la Cedeao concerne Assimi Goïta et le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) — la junte malienne.
D’un côté, la charte de la transition au Mali empêche Assimi Goïta d’être éligible. D’un autre côté, un article de la charte le rend éligible « s’il démissionne de ses fonctions ». Un membre influent de la junte malienne, Malick Diaw, chef du Conseil national de la transition (CNT) — le parlement temporaire —, succèderait au président en cas de démission. Rien de très clair en attendant la Constitution qui sera votée en 2023.
La Cedeao n’a pas, non plus, clarifié ce que signifie sa condition quant aux membres du gouvernement malien. Cela concerne surtout le Premier ministre Choguel Maïga, qui aurait, selon son entourage, de grandes ambitions et qui est toujours pressenti pour être le candidat du pouvoir lors des futures élections.
Les chantiers d’Embaló à la tête de la Cedeao
Le Mali fera indéniablement partie des chantiers prioritaires du nouveau président de la Cedeao, Umaro Sissoco Embaló. Interrogé sur ses priorités à la tête de l’instance, le président bissau-guinéen a d’ailleurs préféré botter en touche.
« Le président en exercice ne prend pas les décisions seul. Il n’est que le représentant de tous les chefs d’Etat, et les décisions se prennent pendant les sommets », a expliqué Embaló aux journalistes.
Seconde pierre d’achoppement pour les nouvelles décisions de la Cedeao : la Guinée. Rien n’exclut pour le moment que Conakry puisse être sanctionnée si le calendrier de la transition est une nouvelle fois rejeté par la Cedeao. La proposition de Mamady Doumbouya — une transition de 39 mois — a été unanimement rejetée par les chefs d’Etat du bloc. Or, Doumbouya avait préalablement annoncé qu’il « ne se ferait pas dicter » une durée de transition.
Depuis fin mai, le président du Sénégal et de l’Union africaine (UA) Macky Sall avait qualifié le calendrier guinéen d’« impensable ». Il avait également appelé la Cedeao à imposer des sanctions à la junte guinéenne. Le vrai problème pour Doumbouya, cependant, demeure qu’il n’y a pas de ligne de communication avec la Cedeao. Selon Africa Intelligence, le refus de Conakry de la nomination d’Ibn Chambas comme facilitateur de la transition pour la Guinée a agacé les présidents ouest-africains. Peut-être Doumbouya acceptera-t-il la médiation de Boni Yayi.
Des dossiers qui occuperont Umaro Sissoco Embaló dans les semaines à venir. Toutefois, le président bissau-guinéen est lui-même dans une position délicate vis-à-vis de ses homologues. Embaló a souvent critiqué l’instance et il doit sa présidence de la Cedeao, selon une source interne, à un changement d’avis de dernière minute du Togo et du Libéria, ainsi qu’à un grand soutien du Nigéria.