Lors de la 75e Assemblée mondiale de la Santé, les délégués africains s’étaient opposés à la réforme du Règlement sanitaire international (RSI), proposée par les Etats-Unis. Le texte constituerait une atteinte à la souveraineté des Etats membres, selon plusieurs responsables.
Depuis le 22 mai, l’Assemblée mondiale de la Santé (AMS) est réunie pour la 75e fois à Genève, en Suisse. Au menu des discussions, la reconduite du directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), l’Ethiopien Tedros Adhanom Ghebreyesus, candidat unique. Mais, également, la réforme du Règlement sanitaire international (RSI), en place depuis 2005.
Le RSI donne de larges pouvoirs à l’OMS pour décider de la politique sanitaire des pays signataires. Il est aussi juridiquement contraignant pour ces derniers. La réforme, proposée par les Etats-Unis, a été refusée par la totalité des pays africains, mais également par la Malaisie, l’Italie, l’Iran, la Russie ou encore le Brésil.
Le Botswanais Moses Keetile, porte-parole du bloc africain, ainsi que le président brésilien Jair Bolsonaro ont mis en exergue « le caractère liberticide » de la réforme du RSI.
Jair Bolsonaro… Brazil *will not* sign the WHO Pandemic Treaty. “National sovereignty is not something to be handed over to WHO or other entities and to be renounced just to join a club of seemingly advanced nations”… pic.twitter.com/DdVSkHlzLd
— Pelham (@Resist_05) May 19, 2022
« Le Brésil ne signera pas ce ‘traité pandémique de l’OMS’. La souveraineté nationale n’est pas quelque chose à remettre à l’OMS ni à renoncer au profit d’autres entités, uniquement pour rejoindre un club de nations soi-disant avancées », a martelé le chef d’Etat brésilien.
Pour Moses Keetile, représentant le continent, « l’Afrique partage le point de vue selon lequel ce processus ne devrait pas être accéléré ». Une pétition a été lancée, signée actuellement par 62 000 personnes, dont 2 600 fonctionnaires gouvernementaux et 562 organisations à travers le monde.
Une réforme du RSI qui donne des pouvoirs étendus à l’OMS
Si cette réforme américaine du RSI a fait face à autant de résistance au sein d’une rencontre généralement consensuelle, c’est justement car elle donne au directeur de l’OMS de larges pouvoirs sur les institutions souveraines des Etats. Et, bien que ce dernier soit actuellement africain, on l’a bien vu durant la pandémie, Tedros Adhanom Ghebreyesus est loin de faire consensus.
Selon le journaliste d’investigation James Roguski, qui avait porté plainte contre cette proposition américaine de réforme du RSI, « l’OMS fomente un coup d’Etat contre les droits et la souveraineté des Etats membres et leurs citoyens ». Il estime d’ailleurs que la réforme « cèderait la souveraineté des pays aux mondialistes ».
Au sein de l’OMS, le Groupe de Travail pour la Réponse aux Pandémies (WGPR) a déclaré qu’« en l’absence d’un consensus, 12 des 13 amendements proposés ne seront pas examinés à l’AMS ». Ce que Roguski, ainsi que les délégations ayant refusé la réforme, trouvent insuffisant.
“We’re documenting lockdown harms, but then in parallel rapidly pushing IHR amendments & WHO Treaty which will essentially make lockdowns a permanent feature of pandemic responses.. These lockdown harms are cumulative”
—Dr @bell00david
Public Health Physician
Former WHO-Scientist pic.twitter.com/7l3A6ATtvL— Kulvinder Kaur MD (@dockaurG) May 22, 2022
Car, en effet, l’amendement restant de la proposition américaine modifie le RSI, de manière à ce que le rejet de sa modification permette une nouvelle tentative au bout de 6 mois, au lieu de 18 selon le RSI de 2005.
Un texte « liberticide » ?
Parmi les chefs d’Etat qui ont appelé à cette réforme du RSI, outre Joe Biden, on retrouve le président français Emmanuel Macron. Dans une vidéo, il déclare que « l’OMS est la seule institution légitime pour garantir la sécurité sanitaire universelle, et nous permettre d’avoir une réponse coordonnée, unie et solidaire ».
#WHA75 | ❝L’OMS est la seule institution légitime pour garantir la sécurité sanitaire universelle, et nous permettre d’avoir une réponse coordonnée, unie et solidaire.❞@EmmanuelMacron appelle à renforcer l’OMS @WHO pour bâtir un monde plus sûr pour les générations futures. pic.twitter.com/7Xwlmm58Z9
— France ONU Genève 🇫🇷🇪🇺 (@FranceONUGeneve) May 22, 2022
Parmi les modifications proposées par le texte américain, on trouve également « le droit de l’OMS de déployer des spécialistes dans le pays membre concerné (où un risque de pandémie existe, ndlr), et de recommander un protocole sanitaire à adopter ».
Selon le RSI dans son format actuel, le refus d’obtempérer des Etats membres provoque des sanctions variant de la suspension du droit de vote à l’AMS, jusqu’à la suspension du même droit à l’Assemblée générale des Nations unies.
Il est donc compréhensible que plusieurs pays qualifient cette réforme du RSI de « liberticide ». Il faut relever que l’AMS a déjà voté ce mardi le texte triplant les cotisations obligatoires des Etats membres de l’OMS. Une autre réforme qui tend à octroyer plus de pouvoirs à l’organisation, devenue bien plus puissante depuis la pandémie de la Covid-19.