Sous couverture d’« opérations antiterroristes compliquées » contre le groupe Shebab, le président américain Joe Biden a signé un ordre exécutif pour le redéploiement des troupes américaines en Somalie, plus d’un an et demi après leur retrait décidé par Donald Trump.
Ce sera la Somalie qui paiera pour l’Afghanistan. Dix-huit mois après le retrait des dernières troupes américaines stationnées en Somalie, et deux jours après l’élection du nouveau président Hassan Sheikh Mohamoud, les Américains ont décidé de déployer à nouveau leurs soldats sur le territoire du pays d’Afrique de l’Est.
La décision a été prise unilatéralement par le président des Etats-Unis Joe Biden, sous pression de l’état-major des armées de son pays, sans qu’aucune demande de l’Etat somalien n’ait été formulée.
Une ingérence directe, même si, comme le précise le New York Times qui a révélé la décision américaine, « la Somalie a élu un nouveau président, mais les terroristes ont le vrai pouvoir ».
Un constat exagéré mais pas si éloigné que cela de la vérité car, même si les terroristes ne détiennent pas le pouvoir, le pays est divisé depuis des décennies et subit les attentats terroristes fréquents depuis au moins 15 ans.
Lire : Officiellement parti de Somalie, Africom bombarde une route
Quoi qu’il en soit, un personnage de l’armée américaine se trouve au centre de cette affaire. Le général quatre étoiles d’origine afghane Stephen Townsend, chef du Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique (Africom). Townsend a été à l’origine de la totalité du dispositif militaire américain en Afrique. Il s’est fait remarquer par son ascension fulgurante, mais aussi par ses décisions radicales, souvent critiquées par le Congrès américain.
Il a aussi souvent été critiqué pour son rôle dans « la formation des putschistes en Afrique », étant l’un des artisans de l’exercice américain Flintlock.
Wondering why USA 🇺🇸 is redeploying Troops back in Somalia 🇸🇴.. Here is the Reason. Somalia has the Potential to become a significant Oil 🛢 & Gas Country. Fighting Terrorism is a decoy & Lame Reason given by Biden.
I hope we won’t End Up with a Bad Deal like Equatorial Guinea. pic.twitter.com/YoekR5PTCl
— Habib Osman (@habibosman5) May 16, 2022
La Somalie, lot de consolation pour une puissance éternellement en guerre
Au début du mandat de Donald Trump, en 2017, l’ancien président américain avait légiféré le droit des officiers de l’armée américaine à l’étranger de décider d’effectuer des bombardements sans avoir à obtenir la permission du Pentagone.
Un droit que Joe Biden a suspendu depuis son entrée en fonction. Vers la fin de son mandat, Trump a aussi ordonné le retrait des 700 soldats américains déployés à Mogadiscio, la capitale de la Somalie.
Sauf que, Biden semble regretter le retrait américain d’Afghanistan, aujourd’hui régi par les Talibans. Et d’un autre côté, la communication entre Africom et la Maison Blanche de Biden n’a pas été des plus fluides. Townsend était habitué à exercer un rôle politique en Somalie, et plus généralement en Afrique de l’Est généralement.
Si Biden décide aujourd’hui, donc, de relancer les opérations militaires en Somalie, il fait bien malgré lui d’une pierre deux coups : politiquement, cette décision s’explique. Mais diplomatiquement, vis-à-vis de la Somalie, elle est beaucoup moins compréhensible.
The USA is sending 1000 forces in Somalia. Just a day after Farmajo is replaced 🤔. This is funny. They will not ‘engage’ in direct combat, but will advise SNA..This must be a move to curb Turkey. The losers will be Gorgor. Let’s see what happens #TRUMP2024 #HandsOffSomalia
— Ina Garaad (@MsGaraad) May 16, 2022
La Somalie silencieuse
« La décision de réintroduire une présence militaire persistante a été prise pour maximiser la sécurité et l’efficacité de nos forces et leur permettre de fournir un soutien plus efficace à nos partenaires », a déclaré Adrienne Watson, porte-parole du Conseil de sécurité nationale (NSC) américain.
La responsable n’a pas précisé le nombre de soldats déployés. Toutefois, selon une source du NYT, il s’agira de 450 membres des forces spéciales avec un appui aérien, et probablement avec un déploiement de soldats du Kenya voisin.
Selon Sarah Harrison, analyste de l’International Crisis Group (ICG), et rédactrice du prochain rapport sur la politique américaine en Somalie, « les Etats-Unis ont essayé de freiner les Shebabs avec la force militaire pendant 15 ans, et cela n’a pas fonctionné. Cela aurait même pu prolonger la guerre en Somalie ».
Le chef d’Africom, proche du pouvoir somalien, Stephen Townsend, a déclaré : « le groupe Shebabs est l’affilié d’Al-Qaïda le plus équipé et le plus meurtrier, responsable du meurtre de milliers d’innocents, dont des Américains ». « Le caractère périodique de notre engagement (en Somalie, ndlr), a créé de nouveaux défis et des risques pour nos troupes », affirme le général américain, connu pour être un va-t-en-guerre.
La présidence américaine, toujours surprise par la fuite de sa décision, n’a toujours pas communiqué sur le sujet. Quant au gouvernement somalien, il s’organise encore car le président Hassan Sheikh Mohamoud, issu de l’opposition, attend toujours son investiture. Du côté somalien, si l’Etat accepte cette nouvelle intervention américaine, ce sera sans doute une dernière décision de Mohamed Abdullahi Farmaajo ou du Premier ministre Hussein Roble. Mais qui sait qui est réellement au pouvoir à Mogadiscio…
Lire : Somalie : les Américains ont-ils abandonné Farmaajo ?
(re: Somalia reposition)
My view is that our periodic engagement – commuting to work – has caused new challenges and risks for our troops. My assessment is that it is not effective, not efficient, and puts our troops at greater risk.
— Gen. Stephen Townsend pic.twitter.com/3BlGjjGGDf— US AFRICOM (@USAfricaCommand) March 15, 2022