Amnesty International demande que le pouvoir togolais autorise à nouveaux les manifestations, interdites pour des raisons sanitaires. Mais que ferait de ce droit une opposition togolaise de plus en plus moribonde ?
L’ONG Amnesty International, dans une courte déclaration publique, a dénoncé le deux poids-deux mesure concernant le protocole sanitaire au Togo. Depuis mars 2020, les règles commencent à s’assouplir vis-à-vis des « activités sportives, culturelles et sociales », après les annonces du gouvernement le 22 février dernier.
Toutefois, les rassemblements de plus de quinze personnes sont toujours interdits ainsi que les manifestations politiques. « Cette interdiction demeure alors que le gouvernement s’est félicité le 8 mars qu’il n’y a ‘aucun malade de la Covid-19 dans les centres de traitement’ », déplore Amnesty International, qui explique donc que le virus permettrait au pouvoir togolais de museler toute opposition politique.
Un sujet dont les médias nationaux et internationaux se sont emparé, dénonçant une « atteinte au droit de réunion et d’expression » de la part de l’Etat de Faure Gnassingbé. Comme s’il s’agissait de la première mesure de répression en cinquante-cinq ans de règne — pour le moins autoritaire — de la famille Gnassingbé.
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D’autant que l’interdiction des rassemblements est une mesure toujours maintenue dans la lutte contre la Covid-19 par plusieurs Etats. Aux dernières nouvelles, cela concernerait une grande partie des pays africains, dont certains dits « démocratiques » comme le Cap-Vert. Mais, également, plusieurs pays non-africains, comme le Canada, certaines parties des Etats-Unis, le Brésil, les Pays-Bas, l’Inde, l’Australie ou l’Allemagne…
Cette campagne médiatique contre le pouvoir togolais ne serait-elle pas le cri de désespoir d’une opposition suffocante, qui réclame plus de libertés sans réellement savoir ce qu’elle en ferait ? « N’y a-t-il pas des exigences plus urgentes à avoir à l’encontre du pouvoir togolais », s’offusque un membre de la société civile togolaise.
L’opposition togolaise ne mobilise plus dans les rues
Car l’opposition elle-même sait qu’elle est à bout de souffle et que la rue n’est pas un domaine dans lequel elle excelle. Depuis plusieurs années, le contrôle total de Faure Gnassingbé sur les rouages de l’Etat est manifeste. Année après année, le pays s’enfonce dans le classement des démocraties établi par l’Economist Intelligence Unit (EIU).
L’opposition a bien tenté, ces dernières années, de mettre en avant deux représentants principaux, après avoir accusé Jean-Pierre Fabre d’être un opposant à la solde du pouvoir.
Le premier — le plus médiatisé — est l’ex-candidat à la présidentielle, Agbéyomé Kodjo, avait été placé sous contrôle judiciaire, alors qu’il était accusé d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat et de troubles aggravés à l’ordre public. En fuite, l’opposant continue de tenir des réunions de ministres de son gouvernement autoproclamé. Mais Kodjo ne dispose plus de base militante solide et s’évertue à parler dans le vide.
De l’autre côté, le seul véritable élan d’opposition au despotisme du clan Gnassingbé date de 2017. La montée de popularité de Tipki Atchadam et de son Parti national panafricain (PNP) n’ont pas duré longtemps. Le pouvoir a réussi à étouffer Atchadam et ses militants. L’opposant a en effet perdu une bonne partie de son soutien après des accusations de terrorisme — Atchadam était un musulman du nord du Togo, dans un pays généralement peu tolérant.
En 2018, la répression massive de l’Etat a mis des centaines de militants du PNP derrière les barreaux. Depuis, Tipki Atchadam et son parti, tout comme Kodjo, ne sont plus, comme les qualifient les médias, que des « cyber-opposants en exil ». Tout comme Nathaniel Olympio, un autre cyber-activiste togolais.
Aujourd’hui, l’opposition togolaise a investi l’espace digital. Et demande que l’Etat lève l’interdiction de manifester. « Mais qui manifesterait ? », ironise un observateur de la vie politique togolaise qui rappelle que « les manifestations de l’opposition, avant 2020, étaient beaucoup plus bruyantes sur les réseaux sociaux que dans les rues de Lomé. Il faut aujourd’hui demander des comptes au pouvoir et ne pas se focaliser sur des mesures qui ne nous touchent en rien ».
Authorities in Togo have summoned ‘Prophet Esaie’ just days after he reportedly made a prophecy stating that opposition leader Agbéyomé Kodjo was the rightful winner of the Feb elections which saw Faure Gnassingbé secure a 4th term & tht Mr Kodjo wld rise to power this year pic.twitter.com/0SzGHLnzfB
— Samira Sawlani (@samirasawlani) September 13, 2020